« MOMENTUM ? MAYBE THE TIME HAS COME TO LIVE OUR CORPORALITY RATHER THAN SPEAK OUR SEXUALITY « , PSM Gallery, BERLIN

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Correspondance à Berlin.
MOMENTUM ? MAYBE THE TIME HAS COME TO LIVE OUR CORPORALITY RATHER THAN SPEAK OUR SEXUALITY / PSM Gallery Berlin (DE) / 18 janvier 2014 – 28 février 2014

« The seemingly dangerous acts that actually are quite harmless tell a lot about how strangely we are limited by unwritten rules ». (Pilvi Takala).

« Démonstration détaillée de dépravations et de déviances sexuelles », « exposition libidineuse d’un groupuscule de pervers ». En 1973, ces jugements justifièrent la censure et la destruction des exemplaires de la revue Recherches numéro 12 titré « Trois milliard de pervers : Grande Encyclopédie des Homosexualités » sous la direction de Felix Guatarri. Plus de deux cents pages de textes et d’illustrations d’une étonnante vivacité et d’une liberté de discours effarante encore aujourd’hui.

Cette publication s’inscrit dans un contexte particulier, celui des turbulences de mai 1968, la libération sexuelle et la création du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (fondé en 1971) à Paris. L’organisme se construit autour d’un rapprochement entre des féministes lesbiennes et activistes gays. Rapidement des dissensions se forment, la prédominance numérique des hommes amenèrent à la scission du groupe, éclaté par la suite entre les Groupes de libération homosexuelles et les Gouines Rouges. Cette aventure imprimée qui rassemble différents activistes-intellectuels est à comprendre comme l’expression, critique et rejet virulent des structures existantes et la nécessité d’une visibilité. Consensus organisé autour de différentes subjectivité convergentes vers des dynamiques similaires impulsées par la possibilité d’un changement.

Le FAHR, ses actions et ses discours tentèrent une libération du corps et de la sexualité enfermée dans des normes socialement établis au travers les comportements, mais aussi dans leurs expressions. En 1968, le Comité Pédérastique Révolutionnaire placarde à la Sorbonne un appel pour toutes les sexualités à « s’exprimer en toute liberté vos options ou vos particularités amoureuses et à promouvoir par votre exemple une véritable libération sexuelle […] ».

Le choix de huit artistes par la revue Petunia est généré à partir de ce type de moments de consensus, relu selon la question du corps inscrits dans des dynamiques privés, des paramètres de représentations sociales et historiques.

Même si il semble qu’il faille être conscient des changements et mutations des sexualités et leurs représentations à différentes échelles, cette ‘’veritable’’ libération dont parle l’affiche ne peut être aujourd’hui apprécié que comme un discours utopique.

Évitant une présentation historique que pourrait laisser penser ces réferences, l’exposition se place du coté du contemporain et pose la question d’un potentiel nouveau « momentum ». Terme à comprendre comme une pluralité de mouvements convergents dans une direction à un moment donné pour établir une nouvelle situation. L’existence d’un consensus semble difficilement envisageable comme réalité concrète aujourd’hui mais plutôt sur le mode d’une abstraction vu au travers d’actes individuelles parfois passifs mais toutefois inscrits dans l’histoire de ces activismes.

Ces expériences et tentatives du passé peuvent être alors approché selon le concept de recyclage. Déplacement nécessaire au sein de différents contextes et énoncés multiples. Que reste-t’il de ces momentums, et qu’elles sont les facultés et les conséquences de ces remixes et citations ?

Le visiteur de l’exposition est instantanément sollicité par la rengaine de percussions de Hannah Weinberger et donc l’idée de répétition. Every other year (2012) fonctionne comme la bande-sonore de l’’espace et vient alors animer comme un bouillonnements intérieurs les oeuvres silencieuses apparemment inoffensives du reste de l’exposition.

Les visages muets photographiés par Marina Faust soulignent ces multiples subjectivités, affiches disposés dans le premier espace de la PSM Galerie, regards fixes, frontaux et déterminés.

Ce face à face avec le visiteur est contrebalancé par une oeuvre au sol : trois écrans diffusent en différé une unique vidéo en boucle. Le triptyque de Tobias Kaspar, Hydra Life (2012), lui aussi silencieux, d’une gracieuse lenteur joue à conte-temps avec les batteries de Hannah Weinberger. Espace intime par excellence, nous sommes à l’intérieur d’une salle de bains luxueuse. Une jeune femme en peignoir de bain se passe de la crème sur le visage en scrutant un miroir. L’emprunt à l’esthétique publicitaire, relayant l’idée de comfort et de beauté se délite à mesure que la peau de l’actrice rougit sous l’insistance de ses gestes. La qualité visuelle de la vidéo à défauts de nous montrer une perfection épidermique nous montre les rougeurs, les pores imparfaits d’une peau de plus en plus massé, graisseuse jusqu’à l’écœurement. Tobias Kaspar n’use pas du grotesque ou de l’exagération mais reste subtil pour rendre compte des processus de représentation.

Face à cette mise en scène de l’espace intime, l’artiste finlandaise Pilvi Takala (Bag Lady, 2006) déjoue à son tour par un comportement hors des normes, les attitudes fabriquées et attendues. Deux projecteurs de diapositives se coordonnent pour nous raconter une histoire. L’un illustre par des photographies les textes projetés de l’autre. Une jeune femme au cheveux courts (l’artiste elle-même) se balade dans un centre commercial à Berlin portant un sac plastique transparent où l’on peut y voir une somme considérable d’argent en espèce, elle boit un café, demande conseil pour un parfum, essaye des pantalons, etc. Le texte à gauche retranscrit les réactions et interactions des autres clients et vendeurs qui tente de l’avertir du problème que représente une déambulation en public avec cette somme d’argent trop visible. La séparation entre texte et image souligne efficacement l’apparente passivité et incrédulité de Pilvi Takala pourtant extravagant dans cet environnement. En se positionnant comme élément perturbateurs dans un microcosme des plus banal où elle feint de ne pas y comprendre les codes de conduites, nous en apercevons ses structures et normes. Ne parlant pas l’allemand, son identité est évidemment perçu comme celle d’une jeune femme étrangère, une touriste ? c’est ici un paramètre à bien prendre en compte, il n’est pas à douter que différentes réactions seraient apparu pour ces mêmes comportements chez un homme.

Au centre de cette première salle d’exposition se dresse une architecture tricotée. Matériau doux et chaleureux qui reproduit ici la cellule d’un condamné à mort. Ce duo forme / contenu n’en est que plus violent. Carlton A. Turner fut emprisonné à l’âge de 19 ans pour le meurtre de ces deux parents. Après 10 ans passé dans cette cellule, il est exécuté par injection létale le 10 juillet 1998 au Texas. No One Here is Innocent (2008) prend place dans une série de travaux où l’artiste Kjersti G. Andvig réfléchit la question de l’exécution par l’usage du tricot se référant au « tricoteuses » de la révolution française.

Ces femmes ainsi surnommées prirent part aux débats et luttes politiques de la révolution contre les Girondins. Dès 1793, ces femmes activistes formèrent des clubs comme « Les citoyennes républicaines révolutionnaires ». Sortit du foyer en y ramenant certains attributs (le tricot), elles s’incarnent alors dans la sphère politique. Rapidement et pour de nombreuses années, ces femmes gagnèrent comme unique image celles de tricoteuses attendant avec délectation la chute des têtes autour de la guillotine. Résultat de la peur de nombreux hommes de voir leurs femmes s’adonner à une activité exclusivement masculine et donc à ne plus répondre à leurs devoirs de femmes au foyer et de mères. Les clubs féminins sont alors interdits dès l’Automne 1793. Le 20 mai 1795 on leur interdit même les tribunes et l’attroupement de plus de cinq individus. Caractérisé comme des furies hystériques assoiffées de sang, définition qui les cloîtrèrent dans des fonctionnements exclusivement émotionnels et intuitifs incompatible avec « l’esprit politique ». L’association entre ces deux temporalités et la persistance de la peine de mort notamment dans certains états nord-américains révèle à la fois une constance morbide et effrayante mais aussi la disjonction entre les revendications révolutionnaires et l’existence d’un consensus entre les sexes.

Dans la seconde salle, avec ses impressions clouées au mur, Marina Faust part une seconde fois d’une personnalité réelle, ici Meret Oppenheim (Five times Meret, 2013). Rare femme artiste active au sein du très masculin groupe surréaliste. L’effet de juxtaposition par transparence des différentes couches de papiers réfèrent directement à l’artiste et matérialise la pluralité de ses représentations. Détournements d’objets du quotidien qui pour beaucoup place les attributs féminins au sein de combinaisons symboliques juxtaposé à des photographies d’elle-même notamment prises par Man Ray. Aujourd’hui encore Meret Oppenheim est parfois coincée dans le rôle ambigu de muse / artiste, comme « la femme » parmi les surréalistes. En inscrivant son nom dans un moteur de recherche, on se rend compte de ce qui la représente : des centaines de photographies de son visage, de son corps, prises par diverses artistes. Célébré et retenu alors à la fois en tant qu’objet-sujet que comme créatrice, c’est une nouvelle fois les limites et paradoxes d’une telle entreprise artistique qui nous est montrée ici.

Dans une troisième salle qui lui est consacrée, la vidéo de Sylvie Blocher (A more perfect day, 2009) révèle une nouvelle fois la notion de l’échec inhérente à l’expression ‘’utopie’’. Un jeune homme torse nu, qui laisse voir un corps divisé en deux couleurs, l’une noire et l’autre blanche, chante de manière ultra-sensible presque embarrassante, le discours de Barack Obama du 18 mars 2008 « A More Perfect Union » sur fond-mosaïque du fessier de Mickey Mouse. Lu à Philadelphie, ce discours part de l’expérience personnelle, autobiographique du président, « Je suis le fils d’un homme noir du Kenya et une femme blanche du Kansas ». La citation à la lutte pour les droits civiques et des figures comme celle de Martin Luther King sert de terreau à des revendications, la nécessité d’un changement dans un contexte spécifiquement États-unien, « une marche pour une Amérique plus juste, plus égale, plus libre, plus attentionnée et plus prospère. » La reprise « à fleur de peau » du performer déplace le discours dans un fatalisme mélancolique et « nous renvoi à la douleur d’un discours dont nous savons qu’il ne se réalisera jamais# ».

Gauthier Lesturgie
à Berlin.

Commissaire d’exposition : Petunia, revue d’art et de divertissements féministe.
Artistes : Marie Angeletti, Kjersti Andvig, Sylvie Blocher, Caroline Mesquita, Marina Faust, Pilvi Takala, Tania Perez Cordova, Tobias Kaspar, Hannah Winberger.

# Sylvie Blocher, texte d’introduction sur son site internet : http://sylvieblocher.net

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Kjersti+G.+Andvig

Visuels : vues générale de l’exposition à la PSM Gallery, Berlin / copyright les artistes / PSM Gallery, Berlin.

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