ESTHER FERRER : « FACE B. IMAGE / AUTOPORTRAIT », EXPOSITION MONOGRAPHIQUE AU MAC/VAL

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Esther Ferrer : Face B. Image/Autoportrait : Exposition monographique du 15 février au 13 juillet 2014 / Musée MAC/VAL, Vitry sur Seine.

Le MAC/VAL, en association avec le Frac Bretagne, a donné vie à un projet en deux volets consacré à l’œuvre d’Esther Ferrer. Deux expositions, la première inaugurée l’année dernière à Rennes, dédiée au travail performatif de l’artiste, puis aujourd’hui au MAC/VAL.

Ici nous retrouvons le deuxième volet du projet, la face B de la démarche artistique d’Esther Ferrer, peut-être la facette moins connue : son travail d’atelier concernant l’autoportrait et l’image. Pourquoi deux volets ? Le travail de Esther Ferrer s’étale sur plus de cinquante ans, dans l’objectif de montrer toute la richesse de sa carrière, il a été nécessaire de séparer les deux grands axes de son œuvre.

Esther Ferrer est une artiste espagnole née en 1937 à San Sébastien, pendant la période du dictateur Francisco Franco. Elle est donc une véritable enfant de la guerre, marquée par l’antifranquisme, qui a suscité en elle un profond amour pour la liberté et un refus pour toute forme de domination. C’est pourquoi l’art qui intéresse Esther Ferrer est celui fait en toute liberté et en dehors de toute contrainte. Ce n’est alors pas un hasard si l’artiste a toujours voulu garder une indépendance économique face au monde de l’art. Elle a toujours travaillé à coté comme caissière, professeure ou encore journaliste : elle n’a jamais voulu vivre de son art. Dans toute sa carrière elle s’est placée à contrecourant des modes, en dehors du système établi, en dehors de la pression marchande qui est exercée sur les artistes d’aujourd’hui. Voilà pourquoi cette grande simplicité des œuvres exposées au MAC/VAL, cette grande économie de moyen est viscérale pour Esther Ferrer ne pas dépendre de qui se soit.

Son travail est véritablement centré autour de la question du corps : qu’est-ce qu’un corps ? C’est une question capitale dans sa démarche artistique. En tant qu’individu les engagements politiques et féministes d’Esther sont très clairs, mais dans son travail cela se ressent par cette idée profonde de militer pour que chacun puisse se réapproprier de son corps. Et cette question ne concerne pas que les femmes mais aussi les hommes.

L’exposition au MAC/VAL est marquée par la présence de l’autoportrait et une attention particulière donnée au visage. Le visage qui est fondamentalement quelque chose d’humain, car les animaux n’en n’ont pas, dont le concept a été invité par l’homme. Il s’agit d’une interface entre ce que nous sommes au plus profond de nous et un espace qui est construit socialement, pour les autres, avec les autres. Travailler sur le visage alors veut dire aussi mettre en crise, en défaut, tous ces espaces normalisateurs, imposés par notre société et qui nous conditionnent tous.

Puis le choix de l’autoportrait qui porte en soit toute la profonde question du regard. Il s’agit d’aborder la nature même du regard, le nôtre et celui de l’artiste qui ne cesse de nous observer depuis l’espace d’exposition.

En arrivant dans la salle d’exposition nous sommes accueillis par un double visage plié de l’artiste, et puis nous avançons vers lui en découvrant alors toute la simplicité du geste. Il s’agira par la suite d’être attentif à toutes les minuscules variations qui se produiront dans ces portraits. Modifier, agencer, combiner, produire pleins de petites variations dans une forme très libre entre la violence (découper son propre visage n’est pas affaire de tout le monde), le ridicule et l’absurde : voilà le cœur du travail d’Esther. Malgré l’apparente simplicité des œuvres, en tant que visiteur, il faut se laisser le temps d’expérimenter ces formes, ces petites variations. Le parcours nous demande d’être attentifs à ce que nous sommes en train de regarder, à saisir tout ce qui peut se passer entre notre regard et ces micros modifications. Ces corps morcelés, découpés sont porteurs d’un message fort : ils revendiquent et assument la liberté, avec toute les conséquences que cela peut impliquer.

L’exposition au MAC/VAL nous fait également découvrir une partie du travail d’Esther Ferrer, aujourd’hui plutôt méconnue du public : les maquettes. En bonne artiste conceptuelle, ce travail s’adresse à l’intellect, à la raison et non pas à l’émotion. Et puisque l’idée pour elle est presque plus importante que la mise en forme, ses notes, ses maquettes remplacent souvent la réalisation matérielle de l’œuvre.

Enfin nous trouverons aussi des vidéos, notamment les deux Actions corporelles, celle du 1975 et celle de 2014, dans lesquelles l’artiste nue, reproduit tous les gestes qui constituent les répertoires de ces performances. Les mêmes vidéos, les mêmes gestes avec un corps diffèrent, celui d’Esther Ferrer en 1975 et celui d’aujourd’hui, car revendiquer son corps veut dire aussi lutter contre les dictas sociales. Et cette revendication passe aussi par le fait d’assumer son corps quarante ans après, accepter le temps qui passe, accepter ce que nous sommes vraiment.

Cristina Catalano
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