JACQUES JULIEN AU CENTRE D’ART CONTEMPORAIN DE SETE
Jacques Julien – Tailles Douces / CRAC Sète / Jusqu’au 9 juin 2014.
Le Centre Régional d’Art Contemporain (CRAC) de Sète présente jusqu’au 9 juin 2014, une exposition monographique de l’œuvre de Jacques Julien. Formée d’un ensemble de sculptures couvrant la période 2008-2014, Tailles Douces permet de (re)découvrir une réflexion portée sur la praticabilité de l’art initiée dans les années 1990. Son travail basé sur l’expérimentation formelle et matérielle s’appuie sur des gestes élémentaires : découper, poser, planter, juxtaposer, modeler. Avec un souci constant d’économie, Jacques Julien puise dans l’histoire de l’art pour questionner et renouveler la sculpture.
D’abord, nous pénétrons dans un jardin de sculptures de petites tailles, elles constituent une série intitulée Pagliacci (2013-2014). Celle-ci peut être comprise comme étant le « générique de l’exposition ». Pagliacci constitue un réservoir de formes qui vont ressurgir au fil de notre traversée de l’exposition. Couleurs, formes, gestes, matériaux, objets interagissent avec modestie sur le sol de la grande salle. Il nous faut déambuler parmi les œuvres, qui, pour un adulte semblent petites, mais qui, pour un enfant, ne le sont plus autant. Un premier dialogue entre l’échelle du corps, celle de l’espace et celles des œuvres est créé. Ici, les paillassons font office de socles sur lesquels les sculptures forment chacune un monde en soi, un paysage en soi. À nous de nous y plonger. Certaines sculptures font échos à l’histoire de l’art, notamment de la peinture et de la sculpture avec des références au Pop Art, à Malevitch ou à Arp.
Les œuvres résultent d’un travail à l’atelier où l’expérimentation et la manipulation sont les règles d’or. Une pratique qui est particulièrement soulignée dans une salle où sont rassemblés sur des étagères Les Empathiques et la série des Pièces Uniques. Il s’agit pour les uns de maquettes de sculptures réalisées à plus grandes échelles, pour les autres de petits formats où les matériaux et les formes sont compilés. Face aux petites sculptures, deux caisses en bois (Sans titre – 2014) sont surmontées de matières brutes, des fragments de terre crue colorée. Ils sont à la fois la matière première, le départ de l’œuvre, mais aussi les ruines d’œuvres plus anciennes. « Je reviens à des gestes basiques, presque régressifs. Des gestes de poterie. L’économie est véritable tant au niveau des matériaux que des gestes. Couper, trancher, jeter, point barre. La terre crue (poétiquement très fragile) est repeinte puisque lorsqu’elle sèche, ses couleurs deviennent plus fades. En peignant la terre je revenais vers la couleur initiale, celle que je voyais lorsque je la travaillais. » (Entretien avec l’artiste, février 2013). Jacques Julien n’impose pas de statut définitif aux œuvres, l’une peut devenir le socle de l’autre, ou connaître une toute autre existence. Ainsi, tout en conservant une optique d’économie, le jeu, avec toute sa dimension jouissive, est mis à l’œuvre. Dadada (2013), une sérigraphie et un bas-relief, représente la boîte à formes et à outils de l’artiste. Une « boîte » permettant une modulation infinie des compostions. Une œuvre peut en cacher une autre.
Parce que les sculptures renvoient à des formes et des couleurs issues de la nature, Tailles Douces peut être envisagée comme un paysage à différentes facettes. Un paysage peuplé d’univers et de personnages singuliers dont les échelles varient d’une salle à l’autre. Un mouvement ascensionnel est donné à la scénographie qui débute au sol et se termine dans les airs avec Les Suspentes et Les Vagabonds. Un mouvement de bas en haut, lui-même nourri de mouvements contraires, de tensions et d’oppositions. L’artiste articule la chute et l’élévation, l’équilibre et l’instabilité, le mou et le solide, le plein et de vide, le poids et la légèreté. Avec une apparente simplicité, il puise dans un ensemble de confrontations appartenant à l’histoire de la sculpture.
Une seconde exposition au CRAC vient à la fois compléter et ouvrir une réflexion sur la sculpture. La Constante des Variables, un projet de Guillaume Constantin, déploie une grande richesse tant au niveau des formes, les matériaux et des concepts. L’artiste mixe les temporalités en articulant des objets issus de collections diverses : une collection personnelle, celle du musée Paul Valéry à Sète ou encore celle de l’université de médecine de Montpellier. Les objets de curiosités dialoguent avec des displays en médium teinté dans la masse ou en bakélite qui se répondent les uns aux autres. Il développe ainsi une réflexion sur l’idée de collection, de compilation de savoirs, d’apparitions et de disparitions. Le CRAC met la sculpture à l’honneur en présentant deux expositions où sensibilité, pluralité et intelligence interagissent.
Julie Crenn
Plus d’informations :
TAILLES DOUCES – JACQUES JULIEN /// du 28/02/2014 au 09/06/2014 / Commissariat : Noëlle Tissier.
+ CRAC – Sète / http://crac.languedocroussillon.fr/
++ Jacques Julien / http://jacquesjulien.free.fr/
+++ À lire – Jacques Julien -–Rock Island Line. Revue Laura (n°15, mars 2013) / http://groupelaura.free.fr/laura-15.html
LA CONSTANTE DES VARIABLES – GUILLAUME CONSTANTIN /Project Room – du 28/02/2014 au 11/05/2014 / Commissariat : Noëlle Tissier.
++++ Guillaume Constantin / http://guillaume.constantin.free.fr/
Visuels : 1. Jacques Julien – série Pagliacci, 2013-2014 – Production Crac LR / Photographe : Marc Domage © CRAC LR – février mars 2014 / 2. Jacques Julien – Tailles douces – Dadada, 2013 – The letter (after David Smith), 2014 – sans titre, 2013 – sans titre 2014 / Photographe : Marc Domage © CRAC LR – février mars 2014