AVIGNON 2019. « INGING », DE SIMON TANGUY : APORIE

inging ©Elian Bachini 7

AVIGNON OFF 2019. « INGING » – Chorégraphie de Simon Tanguy – Au Théâtre de l’Oulle à 11h20, du 5 au 28 juillet 2019 (Relâches 8, 15, 22/07/19).

APORIE

La dernière fois qu’on a croisé Simon Tanguy à Avignon l’été, c’était au Jardin de la Vierge du Lycée St Joesph, au Festival d’Avignon pour Allonger les toits, un « Sujet à Vif » mémorable, imaginé avec Frédéric Ferrer autour de la schizophrénie. Et Simon Tanguy avait la jambe dans le plâtre ! Cela ne l’a pas empêché de faire le spectacle. Il était sur scène, dans un lit médicalisé, et tentait déjà de danser sans pouvoir en bouger… Avec INGING, il persévère à un point inimaginable mais concluant.

Il réactive une performance de 2010, imaginée par la chorégraphe américaine Jeanine Durning qui a fixé comme principe que la personne qui se prête à cette performance doit être au même niveau que les spectateurs, dans une installation multi-frontale, avec comme simple accessoire : une table, une chaise, un ordinateur, une caméra, un vidéo projecteur et un plein feu lumière. Et le principe est de ne pas cesser de parler pendant les 45 minutes… Et là, vous vous dites, ouh la la ! voire même : vachement facile… et c’est là que vous vous trompez ! car Simon Tanguy réalise un véritable tour de force parce que, non seulement cela va passer par la parole avec un ensemble d’associations d’idées qui lui permettent de rebondir et de se faire la conversation à haute voix, de dire ce qui lui passe par la tête qui, du coup, passe aussi par le corps et ne vous y trompez pas, allez-y en confiance, parce que des danseurs comme lui vous n’en approcherez pas beaucoup de si près…

Comme pour s’excuser de ne pas « danser » – au sens littéral du terme – avec toutes les ressources du vocabulaire chorégraphique, il va nous donner à voir de purs moments de danse qu’il cache dans un flot de paroles qui démontrent qu’il maîtrise parfaitement les deux ; et comme il le dit, INGING n’est « que » du langage…

Il échafaude de micro-scénari qu’il nous livre, avec une sincérité qu’il faut prendre au premier degré comme une réflexion à voix haute qu’on se ferait à soi-même. Il énumère toutes les contradictions humaines, toutes les idées bien pensantes qu’on se dit, qu’on nous a rabâchées même : appelle ta mère, fait ton lit, ne consomme pas trop d’eau, fait attention à la planète et puis il constate qu’il renonce à l’un, à l’autre, fait mal la troisième… Simon Tanguy tente beaucoup de choses dans ce bref moment qu’il nous donne. Il passe de l’extrême physique à l’intime psychique. Il cite des auteurs comme Descartes et rappelle qu’il a « de l’infini en lui »… et, ce qui est troublant dans ce projet, c’est qu’on se surprend, lorsque Simon Tanguy parle, à compléter à voix basse sa propre histoire par nos propres états !

Finalement, pour ceux qui suivent, ce n’est pas incohérent de le trouver sur la scène du Théâtre de l’Oulle après Dave Saint Pierre, autre danseur parlant… Si vous passez par la Place Crillon, prenez le temps de vous plonger dans ce bain de mots qui réveillent…

Emmanuel Serafini

Image: Inging – photo © Elian Bachini

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