« LE JEU DES OMBRES » : LE DEDALE VERBAL DE NOVARINA BIEN SERVI PAR BELLORINI

UNE SEMAINE D’ART EN AVIGNON : « Le Jeu des Ombres » – de Valère Novarina – mise en scène : Jean Bellorini – Du 23 au 30 octobre 2020 à 17h30 à à la FabricA.

Initialement programmé pour le Festival d’Avignon 2020, le metteur en scène Jean Bellorini, actuellement directeur du Théâtre National Populaire de Villeurbanne, investit la Fabrica pour cette « Semaine d’Art » avec « Le Jeu des Ombres », un texte sur commande de Valère Novarina dans une mise en scène tout à la fois sobre et foisonnante.

Sobre au travers d’images et de lumières raffinées et travaillées de Jean Bellorini et Luc Muscillo, foisonnante par l’exubérance des mots de Valère Novarina et la musique aux alternants baroque, mélodie jazz, flirtant même parfois avec des styles plus légers.

Pour cette création, Jean Bellorini et Valère Novarina, prenant pour fil conducteur le mythe d’Orphée, plongent le public dans cet inexorable dilemme de la finitude ou non de l’être. Par la grâce d’un travail sur de grands textes de la littérature, adaptés et malaxés par Valère Novarina, Jean Bellorini, dans un jeu de miroir, répond à la déferlante des mots par une mise en scène dans laquelle les musiciens deviennent les partenaires sages ou facétieux de la langue. Là où parfois la musique de l’Orfeo de Monteverdi aurait suffi tant sa poésie est grande, Jean Bellorini tente, souvent avec succès, un entremêlement des genres.

Il est évident que la poésie de l’Orfeo aurait largement su à elle seule magnifier les mots de Novarina mais ceux-ci sont si surprenants et discordants que ce mélange des genres leur fait écho. Une uniformisation musicale aurait en définitive magnifié l’image mais aplani le propos et la poésie de l’ensemble lui donnant moins de rugosité et d’onctuosité gourmande.

Sur scène, les comédiens, tous formidables dans des costumes de Macha Makeïeff, interprètent textes et chants dans un phrasé impeccable malgré la difficulté de cette langue tourbillonnante. Jonglant avec les mots, ils oscillent comme l’Homme entre bonheur et gravité, parfois nombriliste mais souvent tourné vers l’infini. Le discours atteint son comble lors d’une explication surréaliste de ce qu’est Dieu, qui, loin d’apporter une quelconque réponse, sème le doute et la confusion tant divers points de vue explosent dans ce formidable monologue.

Habitué des mises en scène d’opéras, Jean Bellorini a su allier le théâtre et le chant qui se répondent ici pour donner vie aux mots de Novarina dans un équilibre fragile mais presque parfait. Le spectateur se retrouve avec délectation dans ce dédale confus de la pensée humaine vis-à-vis de sa propre mort et du monde qui l’entoure. Sur scène, des pianos déglingués, bancals, participent eux-mêmes au constant déséquilibre des mots en résonance avec cette langue dont la musicalité l’emporte sur le propos. Nul doute, qu’après cette Semaine d’Art ce spectacle fasse découvrir à un large public ce langage poétique si musical, abscons, mais qui parle en définitive à tout le monde.

Pierre Salles

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