« LE MUSEE », HISTOIRE DE LA VIOLENCE

LE MUSEE

75e FESTIVAL D’AVIGNON. « Le Musée » – Bashar Murkus – Chapelle des Pénitents blancs à 14h et 19h – Jusqu’au 25 juillet.

Dans une cellule aseptisée, un terroriste passe sa dernière nuit en compagnie de l’inspecteur qui l’a arrêté le jour sanglant où il a tué 49 enfants et leur enseignante dans un musée. Braquant le projecteur sur lui comme une arme, ce dernier lui rappelle toute l’horreur de son acte, avec force questions et détails. Ils sont tous deux enfermés dans un espace sombre et clos, oppression insoutenable, entre une toile au devant de la scène où se profilent leurs ombres et un mur de fond où s’affichent les images vidéos de leurs visages. L’inspecteur n’oublie rien, ni les trous parfaitement symétriques retrouvés dans les fronts, ni la ligne de sang qui dessinait avec précision un nouveau plafond au lieu, mais le terroriste soutient tout sans trembler et ne s’accuse de rien. Condamné à mort sans remords, il regrette seulement de n’avoir pas pu signer son œuvre.

Dans un entretien, Bashar Murkus déclare qu’il y a trois niveaux de théâtre dans sa pièce : « le premier est l’attaque terroriste conçue comme une mise en scène, le deuxième est l’exécution, le troisième est la pièce elle-même en train de se créer. » Mais entre la mise à mort des innocents et celle du criminel, ou entre l’acte terroriste d’absolue violence et la guerre restreinte par certains droits, l’inspecteur qui n’est ni terroriste ni pure forme de l’Etat élabore lui aussi une œuvre d’art. Réglant régulièrement la caméra sur son trépied, il espère attraper les infimes morceaux de peur qui viennent crisper les traits du condamné, jusqu’à remplacer totalement son corps par les images qu’il contrôle. Si la violence du terroriste nous est racontée, celle de l’inspecteur nous heurte de plein fouet, en plan large et plan serré. De l’acte 2 à l’acte 4, ce dernier appuie sur les blessures matérielles du terroriste à défaut de pouvoir retourner le couteau invisible dans sa plaie, appuie sur tout son visage avec la viande sous plastique d’un agneau tué parmi tant d’autres, d’un agneau qui doit racheter la mort de tous les autres, appuie, étouffe, enferme, frappe, humilie, mais rien n’y fait, c’est le terroriste qui en demande encore, à peine essoufflé par les tortures qu’il subit au dernier jour de sa vie : « coupe moi le sexe ça me fera jouir. »

Vous savez, Eros et Thanatos c’était le thème de la dernière édition, oui je suis un peu mitigée mais je ne dis pas non plus que le festival aurait dû se passer de cette pièce assez tordue, je dis juste que moi je suis passée à côté. Il y a pourtant quelques brefs instants de respiration pour apporter un contrepoint à tous ces excès de violence, de folie qui tirent vers le bdsm sans être vraiment justifiés par le contexte et le texte qu’on a un peu de mal à suivre. A la fin du premier acte, les deux comédiens avec de gros masques d’agneaux attrapent les micros et contrôlent les sous-titres pour nous annoncer (nous prévenir, nous permettre de tenir si on compte pas sur eux mais sur nos doigts et nos moutons) qu’il y aura cinq actes en tout. Après avoir usé de ce ressort comique, ils vont saupoudrer les transitions d’un peu de danse techno, d’images stroboscopiques d’océan, et de séances nudistes assez christiques. Mais on ne respire pas quand on arrête juste un moment de nous étouffer, on souffle, pff, avec l’air exaspéré, enfin, moi surtout, je souffle sans bruit et dans ma tête un nouveau texte plus subtil, mais ça ce n’est que moi, que mon petit avis qui donne un faux soufflet sur la joue du Musée, car d’autres spectateurs ont eu le souffle coupé en arrivant quand même un peu à respirer là où il fallait !

Célia Jaillet

Photo C. Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

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