CASTORF / MULLER / BATAILLE : UN TRIO DE CHOC POUR LA DAME AUX CAMELIAS
La dame aux camélias / ms Frank Castorf / d’après Dumas fils, Bataille, Heiner Muller
Il est difficile d’écrire une recension sur ce spectacle sans diminuer sa force scénique, en particulier parce qu’il se caractérise par un processus narratif non-linaire: une image s’enchaîne à l’autre, chaque action contredit la précédente, chaque acteur interprète différents personnages puisés dans les textes de Dumas, Bataille et Muller. Amour, transgression et trahison donnent le rythme du spectacle sur un fond de mélange d’époques et d’histoires. Ce joyeux pastiche bouleverse sans s’expliquer.
Peut-être la scénographie reste-t-elle un des seuls éléments dont le spectateur peut se servir pour se repérer tout au long du spectacle. Le plateau est constitué de deux scènes posées sur un énorme disque et opposant deux univers complémentaires: un semi-bidonville, un vrai bordel, et un lieu aseptisé, lumineux, luxueux et kitsch. Une énorme colonne de métal, sur laquelle est écrit ANUS MUNDI et GLOBAL NETWORK, domine ces deux parties, et renforce l’idée d’une société saturée par la publicité et le consumérisme
Frank Castorf, dramaturge allemand né en RDA, est depuis toujours fasciné par le thème de la transgression entendue comme l’obsession conduisant au surpassement de l’interdit. Et de fait, ses personnages préférés sont ceux qui choisissent ce qu’ils ne doivent surtout pas choisir. Pour les interpréter, Castorf a opté pour des comédiens avec une forte présence scénique comme Jeanne Balibar, qui joue merveilleusement la mère sévère et incestueuse d’Armand, ou la perturbante Claire Sermonne, qui incarne une Marguerite superbe.
Photo : Alain Fonteray