INFERNO

ChatRoom de Enda Walsh / cie Théâtre de Poche / Théâtre Jean Vilar Montpellier

« Le monde n’est pas difficile à cause de ceux qui font le mal mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire » disait Albert Einstein. C’est la thématique de départ de la pièce Chatroom d’Enda Walsh, auteur irlandais.

La pièce traite de la rencontre virtuelle de six adolescents à travers un chatroom (les « chats » sont des sites dédiés aux débats, rencontres et discutions. A l’intérieur de ces sites, plusieurs thématiques sont abordés dans divers « rooms » ou salon de discussions. On peut soit discuter en groupe dans le chatroom de son choix, soit discuter en privé avec une seule personne). La pièce respecte scrupuleusement la théorie du « triangle de l’abus » d’Eric Verdier : chaque groupe, quelqu’il soit est composé d’un leader, positif ou négatif (ici un jeune ado cynique et une poupée à la pointe de la mode) d’un rebelle (une jeune rasta qui vient sur les chatrooms uniquement pour écouter les autres), d’un bouc émissaire (famille mono-parentale dont la mère boit et prend des cachets) et de normopathes (joueur de basket et jeune fille en fleur). Enda Walsh fait partie de ces dramaturges anglo-saxons efficaces qui ont pris de bons cours de dramaturgie d’où une pièce claire, précise, qui joue sur tous les stéréotypes possibles, à la limite du cliché mais sans jamais réellement tomber dedans.

Le spectacle passe à côté du seul intérêt qu’il y aurait à représenter le web sur la scène : la création d’espaces diégétiques très différents entre réalité et virtualité. Malheureusement, Sylvie de Braekeleer a cédé au chant des sirènes de la facilité (et de la laideur) en posant 10 pauvres chaises sur la scène, éclairées par d’immondes lumières. Rien à manger non plus du côté de la vidéo qui reste très pauvre et ne sort pas des clichés du net. A trop vouloir coller au plus près d’une réalité qui se veut objective la pièce passe à côté de l’intérêt artistique d’exposer un point de vue personnel sur le monde.

Plus qu’un spectacle, on assiste là à un acte commercial fait pour plaire aux programmateurs qui peuvent remplir leur salle de lycéens en se frottant les mains. Mais les jeunes ne s’y trompent pas. Qu’il s’agisse des battles dansées entre les scènes (plus ou moins réussies, on peut être comédien sans être danseur et metteur en scène sans être chorégraphe) ou de l’accumulation de clins d’œil à l’actualité djeuns et autres namedropping, ils restent méfiants quand on veut trop faire ami-ami avec ce type de spectacle « cool ».

Le spectacle réussit malgré tout à captiver, car les six comédiens, bien que très mal dirigés, sont excellents aussi bien dans leur travail d’imitation de la posture adolescente que dans la finesse de leur interprétation.

Bruno Paternot

ChatRoom s’est joué du 14 au 16 mars 2012 au Théâtre Jean Vilar à Montpellier.