ANATOLI VLASSOV : « NOUS » AU FESTIVAL FAITS D’HIVER

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Anatoli Vlassov : Nous / Chapiteau Turbulences ! / dans le cadre du festival Faits d’hiver / 24 – 25 janvier 2014.

La démarche inclusive qui sous-tend la nouvelle création d’Anatoli Vlassov est affirmée à même le titre — Nous — et chaque mouvement de la pièce viendra la renforcer. Descendre le quatrième mur, exposer et annihiler les préjugés et lieux communs liés à l’autisme, poser les prémisses d’un être ensemble apaisé sans pour autant gommer les différences, le performeur et chorégraphe ne s’en tient pas aux postures bien-pensantes et aux formules rhétoriques, il est doué d’un savoir empirique des circulations dans l’espace, d’une patience attentive et d’une écoute active, des atouts essentiels qui transforment Nous en une véritable expérience collective.

Explorer la danse au sein des différents corps de métier — des éboueurs en France, des cols bleus au Canada ou encore des cireurs de chaussure en Bolivie — en fin observateur des rapports de forces qui façonnent le champ social, ausculter ses échos dans les profondeurs du corps à l’aide d’une caméra endoscopique, Anatoli Vlassov multiplie les expériences dans le domaine chorégraphique. Danser le conjugué désigne tout un volet de son travail dédié aux personnes autistes.

Le chapiteau Turbulences !, l’un des lieux partenaires du festival Faits d’hiver qui accueille cette nouvelle création, déploie sa scène sur 360° et aurait pu dicter à la pièce sa configuration. Anatoli Vlassov inverse les termes de l’équation en installant les spectateurs au centre de l’espace, quelque peu exposés, arrachés à l’anonymat confortable des gradins, contraints d’une certaine manière à se faire face autour des alvéoles et couloirs qui favorisent la circulation selon des trajectoires sibyllines qui ne sont pas sans rappeler les lignes d’erre de Ferdinand Deligny. Dans un même geste le dispositif déjoue le pouvoir symbolique du regard souverain qui impose sa norme.

Le chorégraphe entend l’autisme comme un mouvement à la recherche de l’autre et sa pièce emprunte le chemin de cette recherche selon une dynamique circulaire : tourner en rond pour circonscrire l’espace, tourner en rond pour diminuer les distances a priori insurmontables et rendre le contact possible, faire corps, fusionner telles des particules élémentaires lancées dans une course folle dans un accélérateur expérimental. Anatoli Vlassov travaille à partir de matériaux proposés par ses performeurs : nœuds d’énergie et pulsions, condensés paradoxaux de force et de fragilité, surprenants et justes, entièrement là dans leurs moindres gestes, toujours menacés de débordement.

Toucher ou encore ralentir, voici des qualités longtemps affinées, confortées par une confiance réciproque, dont l’intensité s’apparente à une certaine forme d’apesanteur. Des constellations de sens se dessinent, aussi poétiques que disparates, et la consistance de l’ensemble découle d’une libre circulation des formes rythmée par des contrastes et contre-points. Les sautes d’humeur connaissent des amplitudes vertigineuses.

Ainsi cette prise à partie calquée sur les dialogues d’un jeu vidéo – mise en abîme tordue, diffractée et doublement brutale. Ainsi la douceur d’une litanie qui verse dans un déchirant trille d’oiseau fantasque. Ainsi ces râles d’amour qui s’éteignent dans des murmures apaisés. Les performeurs viennent prendre place un à un au sein de l’audience, dans un geste simple mais tellement chargé de signification. Reposant pour une large part sur la relation de confiance et de réciprocité qu’Anatoli Vlassov a su instaurer avec ses interprètes, Nous gagne en justesse au gré des représentations, et mérite ainsi, pour aller au bout de son propos, de tourner d’avantage !

Smaranda Olcèse

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Photo copyright Smaranda Olcèse / Dessin copyright Anatoli Vlassov

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