« HISTOIRE DE LA VIOLENCE » : UN TRES GRAND OSTERMEIER

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Bruxelles, correspondance.
« IM HERZEN DER GEWALT » / « HISTOIRE DE LA VIOLENCE » – D’après le roman  « Histoire de la violence » d’Édouard Louis – Mise en scène : Thomas Ostermeier – Théâtre National, Bruxelles – 22 > 26.01.2020 puis Théâtre de la Ville, Paris, du 30.01.20 au 15.02.20.

Dans la grande salle du Théâtre National de Bruxelles, une scène dépouillée avec un grand écran blanc et trois chaises. Un jeune-homme blond nous y attend, assis, l’air lascif ou fatigué ? : Édouard Louis. C’est le deuxième roman du jeune écrivain français que Thomas Ostermeeier, directeur de la Schaubühne de Berlin, adapte au théâtre. « Histoire de la violence » raconte comment le racisme et l’homophobie sont inscrits au cœur des rapports entre individus, sur fond d’inégalités sociales. Le fait que la pièce, dont l’action se déroule en France, soit jouée en allemand (avec surtitrages) illustre le caractère universel du propos, et donc de ces stéréotypes. C’est ceci que met en scène Ostermeier avec force et talent.

Car oui, il réussit la prouesse de rendre de manière admirable la polyphonie du texte. Sur la base de l’intrigue, qui ne perd rien à être dévoilée dès le début : Édouard rencontre Reda, jeune et beau kabyle. Il l’invite chez lui et, ensemble, ils passent une nuit passionnée. Puis Reda bascule dans la violence, s’en prend à Édouard, le vole, le viole et tente de le tuer. Ce n’est pas tant l’intrigue qui importe —et emporte— mais la tension, le suspens, l’extraordinaire jeu des acteurs. Quatre sur scène, ils interprètent à trois, tour à tour, dix personnages (l’acteur incarnant le personnage d’Édouard ne changeant pas) : Reda (l’amant d’un soir), Clara (la sœur d’Édouard) et son mari, mais aussi un policier raciste, un SDF, des infirmières, un docteur, la mère d’Édouard. Une technique déjà utilisée par le metteur en scène dans « The marriage of Maria Braun » de Rainer Werner Fassbinder. Ce qui est remarquable c’est que les changements de personnages sont très fluides et réalisés avec des moyens minimalistes mais une grande force dramatique. Pendant cent vingt minutes, le spectateur est emporté avec Édouard dans cette spirale de la violence.

Remarquable dans cette gestion économe des objets sur scène que l’utilisation toujours pertinente de la vidéo avec tantôt des images pré-enregistrées, tantôt des plans rapprochés saisis de manière instantanée par les acteurs utilisant leur téléphone portable. Et tour à tour, on se retrouve dans l’appartement, l’hôpital, le commissariat, la rue, la maison de la sœur d’Édouard. Ainsi, le metteur en scène traduit visuellement les sujets essentiels du livre : la violence des rapports sociaux, l’homophobie, le racisme.

Thomas Ostermeier, nommé « Officier des Arts et des lettres » en 2009 et « Commandeur » en 2015 par le Ministre de la culture français, a collaboré avec le romancier Édouard Louis pour adapter son texte, et il a choisi un autre élément artistique majeur : la présence sur scène du musicien Thomas Witte. Ce dernier, avec sa batterie et un clavier électronique, donne son rythme et une bande-son à cette « histoire de la violence ».

Tous les acteurs sont remarquables, avec une mention particulière pour la jeune Alina Stiegler, qui parvient si bien à incarner le milieu social d’où vient Édouard Louis, quand elle est Clara, puis la sèche docteur.

Quelle énergie ! Qu’on adhère ou pas à la vision bourdieusienne d’Édouard Louis, ce spectacle total allie magistralement le texte, la musique, la danse et la vidéo. Un très grand Thomas Ostermeier.

Colombe Warin,
à Bruxelles

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