IVO VAN HOVE SERT UN « DON GIOVANNI » SOMBRE ET BRUTAL

DON GIOVANNI – Opéra de Mozart – Mise en scène Ivo Van Hove – Dir. musicale Bertrand De Billy – A l’Opéra Bastille, jusqu’au 11 mars 2022.
L’opéra de Mozart, présente un séducteur invétéré, prêt à tout pour obtenir une nouvelle conquête avec la complicité de son valet, y compris à tuer. Cependant Donna Elvira, une ancienne amante éconduite, le poursuit et va tout mettre en oeuvre pour éviter que sa mésaventure se reproduise avec une autre et mettre hors d’état de nuire cet individu.
Don Giovanni, mis en scène par Ivo Van Hove, revient à Paris. Il a été créé en 2019 à Garnier, il a déménagé pour Bastille. Sans doute parce que le décor gigantesque et modulable imaginé par Jan Versweyveld convient mieux à l’immense plateau de Bastille. Ce décor, visible dès l’entrée en salle, qui rappelle les villes du sud ensoleillé et leurs ruelles sombres, est doté de superbes éclairages et de nombreux espaces sont utilisés dans les maisons pour le déroulé de notre histoire. Cependant l’ensemble est un peu terne visuellement car il y a peu de touche de couleur, tout comme comme dans les costumes des protagonistes dans les tons neutres. Hormis deux scènes magnifiques où la couleur explose, le reste demeure bien fade. Cela colle particulièrement bien à l’empreinte imposée par le metteur en scène à ce Don Giovanni, sombre et brutal. il faut noter que le casting des chanteurs a changé dans sa presque totalité.
C’est sans doute la version existante la plus musclée de cet opéra et Christian Van Horn qui tient le rôle-titre sert parfaitement le dessein d’Ivo Van Hove avec sa stature imposante, il porte cette image de brute tendance mafieuse, arrogant et sur de lui Sa puissance vocale nous séduit même s’il possède une certaine rudesse rocailleuse dans la voix. Il sera ovationné par le public. Son serviteur, Leporello, est chanté par Krzysztof Baczyk. C’est un Leporello presque rebelle envers son maitre, à tout le moins désabusé de ses agissements. On est loin du coté bouffon de certaines versions. La voix est riche, posée et le jeu très convaincant. Son aria où il fait la liste des conquêtes de Don Giovanni a une saveur bien particulière.
Alexander Tsymbalyuk est un commandeur à la basse profonde et envoutante, il est dommage que son personnage soit si peu mis en valeur par cette version. Son apparition finale n’est aussi étonnante que l’on souhaiterait Pavel Petrov, qui débutait à L’Opéra de Paris, est un Don Ottavio au timbre de ténor bien agréable mais reste un peu en dessous d’Adela Zaharia (Donna Anna) lors de leur duo. Pour terminer le casting masculin, il y a Mikhail Timoshenko qui est Masetto, le promis de Zerlina. Il était présent dans le cast de 2019. Son interprétation est équilibrée et le jeu énergique proposé permet de gommer le coté mal dégrossi du personnage.
Coté femme, la soprano australienne Nicole Car (déjà présente en 2019) emporte le vote du public en Donna Elvira vengeresse suivie de près à l’applaudimètre par Adela Zaharia (Donna Anna). La première nous émeut avec son désespoir amoureux et son chant est parfait ; la seconde nous emmène avec sa passion fougueuse et son jeu dramatique excellent. Son ‘Crudele’ est fantastique. Christina Gansch est Zerlina la paysanne et tout comme elle, elle semble en difficulté dans le duo avec Don Giovanni (la ci darem la mano) néanmoins au second acte, sa voix s’affirme un peu pour le plaisir de nos oreilles.
Bertrand De Billy tient la baguette avec souplesse, c’est une interprétation plutôt romantique et réussie. L’Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Paris assurent une belle présence.
Valérie Leah
Photo Vincent Pontet