FESTIVAL D’AVIGNON : UN « MOINE NOIR » ENVOUTANT, EN RESONANCE AVEC L’UKRAINE

LE MOINE NOIR

« Le Moine noir » D’après Anton Tchekhov – Mise en scène Kirill Serebrennikov du 07 au 15 Juillet à 22h à la Cour d’honneur du palais des papes – durée : 2h30 – Spectacle en allemand, anglais et russe surtitré en français et anglais.

Nul doute que tout le public présent le soir de cette première en ouverture de la 76ème édition du Festival d’Avignon attendait le « Le Moine noir » mis en scène par Kirill Serebrennikov avec impatience, envie et curiosité. Comment ne pas avoir à l’esprit le parcours du metteur en scène russe, les injustices flagrantes dont il a fait l’objet dans son pays et bien entendu l’actualité brulante du moment ? Comment ne pas savoir que lui-aussi, baigné de par son métier dans une culture européenne voire dans un mondialisme culturel est au plus proche du déchirement des peuples au travers de son père russe et de sa mère ukrainienne ? Même s’il s’en défend en tant que metteur en scène, le projet ayant été bouclé bien avant l’invasion de l’Ukraine, il est évident que le regard des spectateurs ne peut être inchangé par ce contexte lourd de sens.

Ecrit en 1893 par Anton Tchekhov, « Le Moine noir » nous parle avant tout de liberté face aux carcans et à la médiocrité imposés par nos sociétés. Andreï Kovrine, un intellectuel russe ayant besoin de repos, décide d’aller à la campagne chez son ami Péssôtski et sa fille Tania. Peu à peu, Kovrine sombre dans la folie, apercevant constamment, comme une ombre, un moine noir lui murmurant à l’oreille un point de vue encore différent sur le monde qui l’entoure. Sur scène, Kirill Serebrennikov use de peu d’effets pour représenter ce jardin. Trois petites maisons de bois, telles des serres, suffisent à planter le tableau de ce jardin où seuls les arbustes taillés et domptés résistent, selon Péssôtski, au tumulte du temps. Trois cercles, lunes magiques ou planètes alignées permettent tour à tour d’offrir un miroir à l’âme des protagonistes et un écrin magique aux moines noirs virevoltants.

Offrant une distribution homogène, talentueuse, multi disciplinaire et européenne, Kirril Serebrennikov appuie davantage un discours universel où l’humain épris de liberté prend une place prépondérante face aux états castrateurs. Multipliant les points de vue, le metteur en scène crée par petites touches une vérité, sans l’asséner, mais en laissant plutôt à chacun le soin de l’entrevoir. Loin d’être écrasé par le plateau, comme certains metteurs en scène, Kirill Serebrennikov parvient à en tirer avantage par de simples projections, offrant au public une vision d’infini et de liberté face à l’écrasante réalité du plateau.

Certains disent que le mistral rend fou mais ce soir-là celui-ci, d’une force grandissante au rythme de la pièce, offrit aux spectateurs et aux comédiens le chaos nécessaire à la mise en scène, enveloppant par magie le tourbillon des moines noirs. Tant attendu, ce Moine noir, malgré quelques longueurs, envoute par sa force et son énergie et se termine par un « Stop War » en rouge sur le mur du Palais face à un public debout et conquis.

Pierre Salles

Photo C. Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

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