MYLENE BENOIT : « NOTRE DANSE » AU FESTIVAL NEXT

Notre danse, Mylène Benoit 1 (c) Contour Progressif

Mylène Benoit : Notre danse / Le Phénix, Valenciennes, dans le cadre du festival NEXT / 14 – 15 novembre 2014.

Pour le coup d’envoi du festival NEXT, Le Phénix, scène nationale de Valenciennes, accueillait une création enthousiasmante et nécessaire. La chorégraphe Mylène Benoit remonte aux sources de la danse, à travers un dispositif plastique qui entretisse matières sonores, textuelles, mouvement et vibrations lumineuses.

Premier postulat empirique :

Le plateau de danse tel une énorme entité vivante dont on doit prendre infiniment soin avant de l’investir pour y déployer une danse, sa danse, Notre danse.

Cinq performers, un musicien et une créatrice lumière s’emploient à activer les ressorts de cet espace-temps partagé, à le rendre bienveillant, généreux, proactif. On s’inquiète de la circulation de courants d’air qui vont soutenir les gestes, porter les sonorités vocales, faire résonner les respirations des instruments. On met en mouvement les différentes membranes rétractiles qui redéfinissent la boite noire, dilatent ou obstruent à souhait les perspectives – d’étonnants battements d’ailles, des effets de flammes ascendantes ou encore des explosions opaques animent les pendrillons. On pétrit enfin minutieusement, patiemment, les lignes de force qui traversent le plancher en direction du public, on s’applique à prodiguer des massages – touchée du bouts de doigts ou des paumes, palpée, frottée, chauffée soigneusement, la surface du tapis de danse devient davantage tactile, prête à accueillir la danse.

Les premiers mouvements esquissés viennent comme des offrandes – on danse seul, mais on convoque des multitudes, on cherche l’endroit et le moment propice, on se lance tout en gardant appui sur la force du chœur sans cesse recomposé. On traverse, un à un, les aires géographiques disparates, les étendues temporelles, on bascule subrepticement dans le mythe, on laisse glisser des pans entiers d’histoires dans son corps et on en ausculte les résonances intimes, on fouille méthodiquement dans les profondeurs de la mémoire atavique des chairs. On s’enlace enfin – faire corps devant le public, même si l’unisson est lent à s’installer. Notre danse n’est encore qu’une promesse, mais d’ores et déjà une certitude s’impose : elle émergera nécessairement dans ce face à face.

Deuxième postulat empirique : le chant ondulatoire des cycloïdes aux sources de la danse

Des cycloïdes s’allument au fond du plateau vide. Ces sources d’éclairage regardent littéralement la salle. Elles émettent des signaux lumineux par intermittences. Des sonorités vocales, tout comme plus tard des nuances chromatiques, viendront enrichir leur spectre. Leur durée, leur intensité, leur fréquence, leurs fluctuations, hésitations et suspensions, entretissent une histoire diffractée, se racontant par bribes. Les mots égrainés parcimonieusement créent des paysages qui acquièrent toute leur densité au terme d’une traversée téméraire du plateau, à la fois chambre noire à même de faire converger les rayons de lumière quelque part au loin, dans des territoires secrets de notre inconscient, et lanterne magique, balayant des plages au bord d’une plongée abyssale, source de tout un monde chatoyant : montagne, pente, rivière, soleil, …

Tous les chemins de cette fiction polyphonique mènent à une petite baie matricielle. C’est ici que la danse va retrouver sa puissance primaire. Il s’agit pour la chorégraphe de réanimer un savoir intuitif, phylogénétique, travailler en-deçà du langage et de la rationalité, inventer notre danse préhistorique. Lentement, au terme d’une haletante ritournelle, différents régimes performatifs entrent en collision et la représentation s’efface au profit d’une présence efficace dans le sens quasi-rituel du terme. Accomplir un geste qui rend possible un événement, précise la chorégraphe.

Gageons que Notre danse œuvre, à travers différentes stratégies scéniques liées au hasard et à l’indétermination, à l’accomplissement même de son propre avènement.

Le caractère possessif de cette première personne du pluriel désigne clairement le groupe d’artistes, mais la danse qu’ils mettent en partage à vocation à devenir également nôtre, incluant le public dans un acte éminemment généreux où chacun puisse se reconnaître en ce qu’il a de plus farouchement irréductible, singulier.

Des pulsations de lumière colorée impriment leur rythme hypnotique sur les visages des spectateurs. Les danseurs se tiennent à la lisière, perdus dans les limbes, avancent comme dans un rêve, hallucinés, le regard aimanté par la danse secrète qu’ils essayent de rendre manifeste au centre du plateau. Notre danse adviendra dans cet espace foncièrement entre.

Smaranda Olcèse

Notre danse sera donnée à Paris au CND du 7 au 9 janvier, à Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé, le 2 février, ou encore au Vivant d’Armentières, le 16 juin 2015.

Mylène Benoit est invitée par la Gaité Lyrique à imaginer la programmation 2014 – 2015 du cycle Danses augmentées.
http://gaite-lyrique.net/conference/des-gestes-des-figures

Notre danse, Mylène Benoit 2 (c) Contour Progressif

photos cie Contour Progressif

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