AME HENDERSON & MATIJA FERLIN : THE MOST TOGETHER WE’RE EVER BEEN

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The most together we’ve ever been : Ame Henderson et Matija Ferlin/ Jeudi 20 novembre/ Espace des Arts/ Chalon-sur-Saône

Un couple formé par deux chorégraphes : Matija Ferlin et Ame Henderson répètent sur le plateau ; une scène. Une parmi tant d’autres scènes d’exposition, issue de n’importe quel théâtre. Mais avec cette chorégraphie dramatique se lie l’acte même d’exister et sa signification dans le présent. S’il est convenu de masquer par une narration ou bien des dialogues, l’événement au théâtre qu’est un corps avançant sur scène. Dans the most together we’ve ever been l’acte d’être corps atteint une forme incandescente. Il s’incarne sous le régime automatique de la répétition. Son devenir s’exprime dans l’intense et le concret. Il est ce à quoi s’opposent tous les compromis, les demi-mesures et en dernier lieu, la mort.

Avec le couple on s’aperçoit que chaque élément a une propention à la singularité. Le tout avançant somnanbuliquement selon sa logique interne mais forcé d’être attentif à l’autre. Tous les éléments sont au premier plan. Dès lors, aucune vision globale ne peut amorcer un tournant majeur au déploiement de la pièce. On part d’une scène, elle en chasse une autre avant d’épouser la forme d’un morceau poétique à la fois pathétique et tendre. Chaque répétition finit par voler en éclat de rire sans se soucier d’une trame déterminée.

L’espace de théâtre est pensé d’une manière ouverte. Ces traits laissent place aux déroulés hasardeux des pensées non figées. Au fond, cela se donne à voir sous l’aspect d’un bloc composite, un tableau. Il n’est pas issu cette fois d’Henry Rousseau (le lion ayant faim, se jette, sur l’antilope), tel qu’il fut présenté dans The other at the same time de Matija Ferlin à Marseille en 2013. Le plateau mixe l’urbain avec l’industriel, le tout réfléchit une luminosité d’un blanc opaque. Une grosse glace orangeâtre se laisse observer, posée pêle-mêle sur un entrelacs de plastique et de ferraille.

The most togesther we’ve ever been est un chantier en cours donc… rien n’a été fixé à l’avance, d’où une certaine jubilation, enfantine, dans les gradins. Les règles s’instaurent au fil des regards portés autour d’un infra mince, infiltré entre langage et mouvement. A l’instar de What we are saying d’Ame Henderson l’aspect ludique et hétéroclite de l’espace scénique frappe d’entrée de jeu.

Puis soudain, une porte s’ouvre. Ame Henderson apparaît vêtue de lunettes de soleil. Elle avance innocemment, à la manière d’une mauvaise élève un brin friponne. Une diagonale dans son sillage faite exclusivement de pas de côté scinde l’espace. Dans ses mains se tient serré un petit bout de papier. Pour la première fois en public, la chorégraphe de Toronto parle la langue française. Quelques mots nous parviennent, non pas l’entièreté des phrases. Mais cela suffit pour être ému et rester bouche cousue. Elle emprunte la porte, puis sort. Son double masculin à col roulé jaillit mue par de grands pas d’éléphant, elle le suit sans se poser de questions. Leur gesticule s’affirme avant de passer par le « ce n’est pas grave de toute façon on peut recommencer »

Les visions ridicules dont nous sommes obsédés avec cette chorégraphie sont détournées, voire ridiculisées par l’entremise des répétitions. Au moyen de l’humour on devine ce qui empêche une parfaite saisie de la réalité. Des chaînes agitées sous nos sièges résonnent différemment ainsi regardées artistiquement. Les choses bruissent autrement par le biais de la répétition, on devine son pôle climaxique : la fragilité. Par exemple lorsque Ame Henderson revient sur scène simplement pour s’emparer d’un melon passé le restant de la pièce inaperçu, cela relève du miracle poétique.

Les transformations s’engendrent au travers d’un regard serré sur les minuscules parties du tout. La magie opère lorsqu’on s’oublie, attentif à ce qui nous entoure, aux choses les plus souvent mises sous clé. Or,ces toutes petites choses, qui au fond n’ont rien à perdre ni à gagner, une fois coalisées ou démantelées sont en un sens absolu le liant indispensable à l’être ensemble.

Il s’agit d’errer et de participer à une utopie en cours en sentant en soi-même une architecture mentale et physique pensée communément. On regarde, on travaille. On rigole, on travaille. On est dissipé, on travaille. Tout est fait dans cette œuvre absolument anti-pédagogique pour tout bonnement respirer, afin de prendre le large à bord d’une œuvre parcourant l’abîme poétique avec pour point d’horizon une liberté totale de sens.

Quentin Margne

Photo by Ben Welland.

Images (©) Copyright 2009 by Sandra Lynn Belanger

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