LES SCULPTURES NEGATIVES DE MICHAEL HEIZER, UNE EXPERIENCE RADICALE
Rétrospective Michael Heizer – Galerie Gagosian Le Bourget – Jusqu’au 6 juillet 2019.
Artiste du mouvement Land Art, Michael Heizer est connu pour ses œuvres in situ dans les grands espaces américains. Celles-ci incarnent un engagement physique avec la terre comme matériau. L’artiste explore la taille de la masse et le processus de soulèvement d’excavation. Ses « non-sculptures », ou « sculptures inversées » proposent une expérience du lieu où il intervient et nous conduisent à le percevoir autrement.
La galerie Gagosian présente un ensemble d’œuvres de l’artiste datant de 1968 à nos jours. Dès l’entrée, le visiteur découvre deux installations monumentales qui attirent par la sensation de puissance qu’elles dégagent. Un rocher semble être extrait du sol. Derrière, une crevasse contient du sable. Ces deux installations nous font ressentir notre propre corps. Ciliata et Slot Mass furent réalisées à la frontière entre la Californie et le Nevada. En montant sur la mezzanine, l’expérience de ses œuvres se fait d’autant plus forte. On peut saisir leurs tracés, découpes et élévations dans l’espace. Cette situation fait écho à la vue d’en haut et à la perception des lignes de Nazca, dessins tracés dans la terre, qui ont inspiré les Land Artistes.
Une série de peintures des années 1970, combinaison de formes rectangulaires, fait écho à ses deux œuvres in situ. Elles suggèrent des vides et des pleins, la possibilité d’un volume, à plier et replier. Pour l’artiste, ces peintures sont du même ordre que la sculpture.
« Lorsque j’ai réalisé les « sculptures négatives » j’ai pris conscience de la possibilité d’un vocabulaire complet, en produisant des sculptures avec des matériaux de base comme la terre. J’ai senti que les sphères du dessin et de la peinture devaient également être enveloppées de manière à exposer tout le vocabulaire » explique-t-il d’ailleurs.
Un triptyque de peintures, Untitled de 1917, exposé pour la première fois, présente des lignes qui évoquent une topographie, un paysage vu d’en haut. Ses toiles incurvées amènent à voir au-delà du cadre.
Scoria Negative Wall Sculpture, qui date de 2016, une masse de roche vésiculaire sombre se découvre au fil du parcours, telle une surprise qui se révèle aux plus curieux. Encastrée dans un cadre en acier profond, cette œuvre est dissimulée à l’intérieur d’un mur adjacent de la galerie. Elle fait écho aux installations monumentales de l’artiste et reproduit la configuration positive/négative de l’œuvre Displaced/Replaced Mass, réalisée en 1996.
Pour compléter cette rétrospective, un ensemble de documents d’archives provenant des dossiers de Michael Heizer, notamment des études de peintures d’origine, des photographies et des croquis préparatoires témoignent du développement de sa carrière, de ses premières excavations dans le désert à son projet en cours City depuis 1970, une vaste sculpture située dans le désert du centre du Nevada, sur lequel il travaille depuis maintenant près de cinquante ans.
Ainsi, la galerie Gagosian propose une promenade, une exploration de l’espace aux visiteurs. Un paysage de désert américain est comme reconstitué au sein du white cube. Cette exposition nécessite de prendre le temps d’une déambulation pour saisir les œuvres en leur entier. Elle propose des allers-retours entre des œuvres anciennes et d’autres plus récentes. Elle invite également à replonger dans l’histoire d’un mouvement artistique durant lequel les artistes ont modifié l’expérience de l’œuvre d’art. Elle n’est plus uniquement à contempler, elle est à pratiquer.
Pauline Lisowski
Cette exposition est prolongée jusqu’au 6 juillet, à la galerie Gagosian, Le Bourget
Images: exhibition wiews at Gagosian Le Bourget / Levitated Mass – Copyright the artist / Courtesy Gagosian