FESTIVAL D’AVIGNON : DES « VIVE LE SUJET » 1 & 2 PEU CONVAINCANTS

vierge

76e FESTIVAL D’AVIGNON. « VIVE LE SUJET » – Série 1 et 2 – 8 – 10 et 12 – 14 juillet – Jardin de la Vierge du lycée Saint Joseph.

On reprend les mêmes et on recommence… Ah non, le régisseur du Festival a changé… on lui souhaite longue vie dans ce Jardin de la Vierge, frais le matin, tempéré le soir, tant que le Mistral est là…

La SACD et le Festival remettent donc le couvert de ces petites formes qui, à l’origine, étaient chorégraphiques et qui depuis se sont ouvertes à tous les arts, pour le meilleur comme pour le pire… et on constate avec joie cette année une certaine diversité sur le plateau voire même une parité… Les temps changent…

A BRAS LE CORPS

La première série matinale commence avec un projet confié à la renversante comédienne Ludmilla Dabo qui a été chercher les collaborations du musicien Blade Alimbaye et de l’artiste de cirque – on a compris qu’il ne faut pas dire « circacienne », allez voir ! – Ashtar Muallem. Néanmoins si l’un rape, l’autre vole accrochée à son tissu turquoise, un agrès très esthétique et rarement utilisé dans ce joli jardin, intéressant.

Le sujet qui préoccupe Ludmilla Dabo est le déséquilibre : elle ne marche pas toujours droit… Elle décrit son corps comme en bascule, en perpétuelle quête de mobilité… mais ce qui fera le sel de ce court spectacle sera : existe-t-il un équilibre ? les unes et l’autre se livreront à quelques confidences, chacun dans leur style avec leur art, vol et voix, texte et forte présence. Au risque de passer pour un réactionnaire de droite – suivez mon regard vers le quatrième programme de l’après-midi – on regrette que la Société des auteurs français fasse la promotion de la langue anglaise en plein festival : chanter ensemble ? Ne sommes-nous pas sursaturés de chansons anglaises partout ? mais bref… On regrette aussi que la comédienne utilise seulement les code du AR’B dans ce morceau, donc, en anglais, avec une gestuelle limitée à un simple geste du bras qui fend l’air de son ventre vers le public et une rotation du bassin. L’autopromotion un peu niaise de Ashatar Muallem en artiste complète : comédienne, réalisatrice, etc…. dure un peu et, vu sa maîtrise, on aurait volontiers échangé ses minauderies de starlette pour un peu plus de vol et d’envol au tissu… Et si la solitude lui fait se parler à elle-même, elle avoue que ici – la France – ce n’est pas mieux que là-bas, La Palestine… bref une cartographie des déséquilibres politiques comme personnels… une petite forme prometteuse, si tout le monde se remet au travail et remplace quelques facilités par un peu plus de profondeur… on devrait être bon !

LEÇON DE DANSE

Pour le deuxième programme de cette matinée, c’est à Mélina Boubetra qu’on a confié le soin d’organiser une petite performance de trente minutes et, pour ce faire, elle s’est associée à la danseuse Julie Compans et au musicien Patrick de Olivera qui signe une bien belle partition tantôt classique, tantôt pop qui donne une bonne idée de son talent… Pendant que Julie Compans décrit au micro ce qui lui passe sous ses yeux, y compris dans le public, Mélina Boubetra, allure de bonze tibétain, petite taille, chemisier bleu, pantalon beige occupe la scène avec sa danse. Elle part d’un petit rictus du bras puis accélère le mouvement du bassin, la tête suit comme ces mobiles à têtes animaux familiers à l’arrière des voitures que rien ne s’arrêtent pas. Il faudra juste une accentuation de la hanche pour que le mouvement se replace. L’exercice est basique, plaisant mais là aussi gagnerait à être plus travaillé pour que la connivence entre la conteuse et la danseuse produise quelque chose de plus convainquant et de moins attendu…

LES CHAISES

L’après-midi bien saturé de la chaleur du jour, la petite cour accueille le troisième programme et le sujet a été confié à la danseuse et chorégraphe Dalila Belaza qui a fait appel à la poétesse Chouf – qui fait rimer pull avec bulle – et le musicien Trustfall. Au son du oud qui s’échappe des enceintes, tous les trois sont sur une chaise, Dalila Balaza de dos dans une tenue noire et Chouf de face en corsage rouge. Ils se regardent et changent de place dans ce cercle très rapproché qui va s’éclater plus loin sur la scène… c’est un peu convenu comme proposition, on a du mal à se passionner pour les allitérations poétiques de Chouf, la danse est peu entrainante aussi, seule la musique de Trustfall permettrait de bien plus audacieuses inventions… un peu long et, du coup, un peu vain…

UN MEC DE DROITE

Pour finir ce programme, on retrouve le géant Otomo de Manuel qui a su faire la place au musicien Ranga Langa et à la provocante danseuse Elea Ha Minh Tay. La transition entre les deux programmes dure un peu et pour cause puisque le plateau est saturé de micros deux ou trois très haut perchés, quelques autres bien bas et un ou deux placés à une taille normale. Les guitares et les emplis viennent parachever le décor, ce qui fait dire à ma voisine, « ça va envoyer du lourd »… Et pourtant non, puisque Ranga Langa prend la parole avec sa guitare électrique en bandoulière, après que la danseuse Elea Ha Minh Tay soit arrivée avec ses longues couettes, son baggy doré et son ghetto-blaster à fond, qui scande des comptes, archétype de la danseuse par excellence… Le sujet c’est la peur, la vraie et la sienne et après un grand tour de toutes celles que Ranga Langa (ou Otomo de Manuel, allez savoir ! ) pourrait avoir, c’est d’être « abandonné » qui est sa crainte… On comprend… Le fait que Ranga porte des chaussettes roses qui lui servent à vaincre sa peur et des chemises Ralph Lauren font-ils de lui « un mec de droite » ? Vaste sujet qui va être compensé par toutes les techniques d’une danseuse qui ira jusqu’à nous apparaitre en tenue d’Eve pour nous montrer que tout ce qu’elle dit n’est pas du bluff… L’impressionnante transformation de Otomo de Manuel, l’évocation de son homosexualité face aux spectateurs, la sincérité de l’ensemble rend ce projet attachant et semble être la base d’un trio qui pourrait faire fureur, si cela se développe et s’affirme…

Emmanuel Serafini.

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