ANNETTE MESSAGER : CONTINENTS NOIRS AU MUSEE DE STRASBOURG

CONTINENTS NOIRS / ANNETTE MESSAGER / Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg / 13 octobre 2012 > 3 février 2013.

Ce samedi 13 octobre ouvre l’exposition « Continents Noirs » d’Annette Messager au Musée d’Art Moderne de Strasbourg. L’occasion de vérifier in situ la force poétique et subversive de la grande artiste française.

Le parcours de l’exposition s’organise en plusieurs séquences, à la manière d’un récit dont la tension dramatique s’intensifie au fil de la progression du spectateur. Il s’ouvre sur Motion-Emotion, 2011-2012, grande installation animée présentée lors de la Triennale de Paris. Elle est composée pour l’essentiel d’un ensemble de vêtements, ainsi que de déchets de plastique et de pantins suspendus, gonflés et animés par le souffle d’une batterie de ventilateurs. Ce modeste dispositif donne vie à une étrange sarabande chamarrée, joyeuse et grinçante à la fois, où il est question de sensibilité féminine désorientée, d’insoutenable légèreté de l’être ; l’inquiétude dégagée par l’œuvre est allégée par l’envoutement de la chorégraphie et par quelques clins d’œil à la robe soulevée de Marilyn, dans « 7 ans de réflexion » ou à la farce ubuesque de Jarry.

Depuis une dizaine d’années déjà, l’œuvre d’Annette Messager est envahie d’obsessions de plus en plus inquiétantes et de tensions existentielles qui cèdent progressivement le pas à l’humour léger et joueur avec lequel elle touchait depuis ses débuts aux réalités les plus graves. Avec l’exposition Continents noirs, cette tendance s’affirme plus encore, et l’on se trouve entrainé dans un étrange voyage, à la découverte d’un univers de science-fiction, un monde entièrement noir, où l’on découvre deux grandes installations fortement théâtralisées, ponctuées d’œuvres de format plus modeste : des mots écrits en filets, tels Chance, Désir, ou Jalousie, dont la puissance des sentiments qu’ils suggèrent résonnent dans leur texture matérielle ; un ensemble de dessins animés de mots, coulures et silhouettes noires évoquent un grouillement fantasmagorique ; quelques objets sculpturaux qui travestissent dans un esprit de jeu et de dérision le quotidien le plus banal, pour mieux l’épingler (Les 7 balais ; l’Opération).

L’œuvre éponyme, Continents noirs, nous fait pénétrer dans un monde pétrifié et carbonisé, un univers urbain d’après la catastrophe, éruption volcanique ou explosion nucléaire, dont les résidus miniaturisés flottent au dessus de nos têtes, agglutinés en des sortes d’îlots volants, lointainement inspirée de Swift dans les Voyages de Gulliver. Au sein de ce monde à l’envers, trois ampoules, en un balancement régulier, rythment l’inéluctable du temps ; elles dessinent sur les murs des ombres menaçantes, dont les contours indécis, transformant ces conglomérats volants en monstres dont les silhouettes évoquent le monde animal ou minéral, suscitent stupeur et effroi.

La vaste installation Sans légende nous projette à nouveau dans un monde carbonisé de vestiges miniaturisés, disposés cette fois au sol : réalisés dans un matériau noir et mat, des formes géométriques simples et énigmatiques, des fragments architecturaux, des objets ordinaires, des jouets à l’abandon viennent envahir, étouffer des fragments de globe terrestre en textile, qui peinent à se gonfler, en un mouvement de respiration entravé.

Dans une ambiance évoquant celle de Metropolis, l’ombre projetée d’une grande horloge égrène dérisoirement le temps sur cet univers figé. Mais la gravité de ce spectacle et les terreurs qu’il suggère sont mises à distance, comme exorcisées par l’humour dont l’artiste anime ces gros jouets échoués du monde de l’enfance avec l’esprit de jeu et la poésie tendre et grinçante qui lui sont familières.

L’exposition se clôt sur une image mélancolique, le mouvement d’une vague faite d’un film plastique transparent qui vient recouvrir, comme un voile léger, les résidus d’un monde disparu.

Musée d’Art moderne et contemporain / 1, place Hans Jean Arp à Strasbourg / T. 03 88 23 31 31 / Horaires : Mardi au dimanche de 10h à 18h – Fermeture le lundi

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Visuels : Annette Messager / Continents noirs / octobre 2012 / © Annette Messager/ Marian Goodman Gallery / photo M. Bertola / Musées de Strasbourg

Comments
One Response to “ANNETTE MESSAGER : CONTINENTS NOIRS AU MUSEE DE STRASBOURG”
  1. Pascal Rousse dit :

    J’ai énormément Annette Messager ! Oui, c’est vraiment une très grande artiste française qui atteste que l’art contemporain n’est pas toujours vain, par la constance et la force de son oeuvre. Je n’ai jamais rien vu d’elle qui ne m’ait touché, souvent ébranlé.

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