D’ORFEVRE ET DE COCHON, LA CONFERENCE PAS COMME LES AUTRES DE GRAND MAGASIN
Grand Magasin, D’orfèvre et de cochon, Au TCI, Théâtre de la Cité internationale, 2 > 14 février 2015 dans le cadre de Faits d’Hiver.
Créé dans le cadre d’une commande du Théâtre du Rond-Point en février 2014, D’orfèvre et de cochon est une conférence qui explore le thème du travail avec sérieux et un esprit ludique décalé. Le travail – cette activité rémunératrice et parfois laborieuse que Pascale Murtin et François Hiffler, les deux fondateurs de Grand Magasin, n’ont de leur propre confession jamais pratiquée, est alors un non-dit qu’il s’agit de nommer avec drôlerie et panache.
Le travail intermittent
En effet, en tant qu’artistes-intermittents du spectacle, leur activité est irrégulière, n’est pas généreusement rémunératrice et est surtout source de plaisir. Tout le contraire de la définition communément admise du travail salarié même si, précisent-ils, cette conférence leur a demandé plus de 200 heures de « travail ». Ils tournent ainsi en dérision les préjugés qui voient dans l’intermittence un mélange de fainéantise et d’improductivité.
Mêlant une mise en scène « sérieuse » avec des perturbations gestuelles et contextuelles bien senties, ils instillent leur discours iconoclaste sur le travail – remettant en cause le dogme capitaliste du productivisme, tout en restant à distance de leur propos. Leur diction oscille entre celle d’une David Pujadas au journal télévisé de 20 heures et celle d’un Michel Onfray lors d’une conférence ontologico-médiatique. Cet effet de distanciation rend le spectateur particulièrement alerte face à ce qu’il lui est dit.
Du théâtre politique
Cette performance explore avec intelligence le genre de la conférence que de nombreux artistes se sont appropriés, que ce soit Franck Lepage[1] ou Christophe Meierhans[2]. En en détournant les codes, ils font passer un message où la frontière entre le réel et le simulacre se brouille. La facétie du propos aide à une remise en perspective de la réalité sous un angle nouveau.
Ni documentaire, ni surréaliste, ce théâtre replace la parole de l’artiste dans la société et surtout lui donne une vraie valeur – est-ce là la valeur du travail de l’artiste ? L’artiste est ainsi celui qui dérange, véritable poil-à-gratter qui pose les bonnes questions sans jamais prétendre pouvoir y apporter des réponses (car il n’est ni scientifique, ni chercheur).
Suivie par Répète de Fanny de Chaillé et Pierre Alferi, une autre performance sur le thème du travail de l’artiste, D’orfèvre et de cochon nous rappelle que le rire et la dérision sont deux armes indispensables face aux dogmes contemporains qui nous assomment quotidiennement. Spectacle politique sans en avoir l’air, il nous adresse un joli pied de nez plein bourré d’esprit et de légèreté.
Quentin GUISGAND
[1] Voir sa conférence gesticulée Inculture(s) 1 – La culture : « L’éducation populaire, monsieur, ils n’en ont pas voulu » ou « Une autre histoire de la culture ».
[2] Christophe Meierhans, Some Use For Your Broken Clay Pots, voir la critique Inferno ici.
Photos (c) Giovanni Cittadini Cesi