BIENNALE DE LYON : JONAH BOKAER, « RULES OF THE GAME »

bokaer

Envoyé spécial à Lyon.
JONAH BOKAER : RULES OF THE GAME – 17ème Biennale de danse de Lyon.

Concret et humain.

Quel chemin parcouru par Jonah Bokaer depuis l’une de ses première pièce Replica, présentée au New Museum de New York en 2009 – avec déjà une scénographie passionnante du plasticien et scénographe Daniel Arsham. Pour s’en convaincre, il suffit de lire avec attention la liste des mécènes de la Compagnie et, sachant le mode de financement des œuvres des artistes outre-Atlantique, on comprend aussitôt qu’outre l’œuvre qui devrait se développer dans le temps, Jonah Bokaer est parmi les espoirs les plus incontestables de la danse contemporaine.

A trente-quatre ans (heureusement fêtés le lendemain de la dernière du programme présenté à la Biennale), Jonah Boaker montre toute la maîtrise qu’il a acquise à force d’expériences de toute nature dans le monde entier ; c’est donc une idée inspirée qu’a eue Dominique Hervieu, directrice de la Biennale de danse de Lyon, de nous permettre de faire le point avec l’évolution de cet artiste en présentant trois œuvres dont sa dernière création sur une musique de Pharell Williams le chanteur et musicien pop du tube planétaire Happy.

Le programme proposé dans la grande salle du TNP de Villeurbanne pour cette édition de la Biennale est Recess, un duo mystérieux créé en 2010, dans une scénographie dépouillée de Daniel Arsham. Par le truchement d’un coup de pied caractéristique de Jonah Bokaer, pointe tendue comme en danse classique, un rouleau de papier qu’il pousse va occuper la scène de cour à jardin. Une silhouette est découpée sur ce support qui servira à la fois d’espace de médiation quasi zen et de turbulence via des froissements, des accumulations servant de monde à ce solo ingénieux où la fugace, invisible et fantomatique présence de James McGinn, fidèle interprète de Jonah Bokaer depuis Filter créé aux Hivernales d’Avignon en 2011, va permettre toutes sortes de combinaisons scénographiques et chorégraphiques assez passionnantes.

La suite du programme verra sur scène le quatuor Why Patterns crée en 2011 et qui reprend une idée de Daniel Arsham, attiré par les sphères, en l’occurrence petites et blanches, que sont les balles de ping-pong… Pendant trente minutes, les danseurs vont jouer avec ces objets jetés des coulisses ou des cintres composant des duos, doubles duos, quatuor de toute beauté, ludiques même, si caractéristiques de la danse abstraite américaine.

La soirée s’achève sur LA création Rules of the Game, une pièce pour huit danseurs sur une musique de Pharell Williams interprétée par l’orchestre symphonique de Dallas et une scénographie éblouissante de Daniel Arsham.

Si on peut avoir quelques regrets sur les costumes vieux roses de Chris Stamp qui font perdre un peu de l’ampleur au propos de Jonah Bokaer, l’ensemble reste captivant et le film projeté en fond de scène imaginé par Daniel Arsham plante la chorégraphie dans un monde bien réel, celui des guerres qui détruisent et annihilent à jamais le patrimoine mondiale de l’Humanité.

Têtes, mains et bras de statues antiques sont jetées les uns contre les autres et leurs éclats sont projetés en gros plan sur un écran au lointain le tout au ralenti, offrant et prenant une place particulièrement forte dans la pièce.

Et si le réalisme et l’actualité ont ainsi la part belle dans ce film-décor, l’humour n’en est pas exclu puisque, sans cesse, arrivent dans ce film des images d’un ballon de basket lui aussi rogné et jeté comme un projectile responsable de ce chaos.

La danse est rondement menée. On regarde cela avec intérêt, a fortiori lorsque Albert Drake se lance dans un combat contre James McGinn digne d’un film de kung fu et qu’il est suivi et repris par les autres danseurs donnant tout d’un coup le goût d’un film de Tarantino.

Si parfois Rules of the game apparaît désuet ou facile, il faut bien imaginer cette pièce dans la capitale impitoyable du pétrole, Dallas, au fin fond du Texas où les exigences de la danse contemporaine ne sont pas toujours aussi pointues que celles que nous pouvons avoir en Europe. Et, de ce point de vue, le programme proposé par la Biennale permet de faire le point sur l’état de la danse dans ce pays qui a porté des artistes comme Merce Cunningham dont, ce n’est pas un hasard, Jonah Bokaer a été l’un des plus jeunes danseurs admis dans sa compagnie.

Et, m’est avis que le maître ne doit pas rougir du parcours de son jeune disciple, même si, depuis ses débuts chez Cunningham, Jonah Bokaer a su développer son propre langage, ses propres topics et imposer aux Etats Unis une signature singulière, sorte de synthèse de plusieurs sources d’inspiration où l’Europe et ses spécificités sont présentes tant Jonah Bokaer est fasciné par la culture de ce vieux continent où il a des attaches et où il entretient des fidélités qui lui permettent de créer des pièces qui, petit à petit, constituent une constellation qui le signale dans cet univers de la danse contemporaine.

Un programme donc qui permet à la Biennale de danse de Lyon de renouer avec le grand frère Américain qu’elle a su nous faire aimer.

Emmanuel Serafini

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