« CHRO NO LO GI CAL », YASMINE HUGONNET RETROUSSE LE TEMPS
Lausanne, correspondance.
« Chro no lo gi cal » de Yasmine Hugonnet – Avec Ruth Childs, Audrey Gaisan Doncel, Yasmine Hugonnet – Conception scénographique : Nadia Lauro – Au théâtre de Vidy, Lausanne du 6 au 10 novembre 2018.
Yasmine Hugonnet (1979), chorégraphe suisse, entame très jeune des études en danse contemporaine au Conservatoire national supérieur de Paris. Après plusieurs voyages formateurs, elle fonde sa compagnie Arts Mouvementés à Lausanne en 2010. « La Ronde/Quatuor », création de 2016, est présentée aux Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-St-Denis, à la Biennale de danse de Venise 2016 et au Palazzo Fortuny de Venise en 2017.
Une galaxie mouchetée recouvre le sol de la scène aménagée de deux gradins, le plus haut face au public. Un espace métaphysique, un lieu intemporel où les trois interprètes, vêtues de jeans et T-shirts, nous emmènent explorer la notion mouvante du temps. C’est tout d’abord le terme lui-même de « CHRO NO LO GI CAL » qui est investi par leurs voix ventriloques. Visages impassibles, seuls les mouvements des bras marquent une cadence, simultanément aux variations vocales. Comme un choeur tribal ininterrompu issu d’une mémoire ancestrale.
Tempos et fluctuations d’intensité vocale sur le son « a » proposent un reflet de la malléabilité de l’image temporelle. Les deux récitantes, côte à côte sur le devant de la scène, sont immobiles, telles deux piliers immuables. L’entre-deux, écart essentiel, est investi par la troisième et agit imperceptiblement sur l’immobilité apparente des deux autres. Le corps de celle qui l’incarne sera utilisé comme lien horizontal ou boucle oscillante.
Vient une partie où Yasmine Hugonnet, seule en scène, alterne lentement les postures, le haut du corps penché, variant les points d’appui, créant de délicats équilibres. Dans le plus grand silence du présent suspendu.
Soudainement, l’entrée en scène de ses partenaires nous projette dans un nouveau monde, celui du passé, évoqué par la nudité originelle pour l’une, une lourde robe du XVIe siècle et sa fraise pour l’autre. Tenue que revêt aussi la troisième. Se succèdent alors différents tableaux, induits par les attitudes de ces trois femmes improbablement liées, de superbes images picturales qui incitent à des réminiscences de choses vues ou sues, vécues peut-être, en des vies antérieures.
L’une s’étant libérée du carcan de sa robe demeure allongée, nue, tandis que l’autre la revêt, psalmodiant une langue morte sans mouvement de lèvres. Imitant ses gestes et ses attitudes, la troisième est contemporaine.
Le temps, celui qui passe, qui est déjà passé, l’empreinte des instants qu’il nous abandonne, l’impossible question de la durée, de l’avant et de l’après, la fugacité du présent. Quelles meilleures démonstrations pour cette notion si impénétrable qu’est le temps que celles produites par le mouvement et la voix?
L’insaisissable moment de théâtre que l’on ne peut revoir qu’en notre faillible mémoire…
Martine Fehlbaum,
à Lausanne
En tournée :
1er Décembre 2018 – Centro di produzione sui linguaggi del corpo e della danza – Florence (IT)
18-19 janvier 2019 – Atelier de Paris CDCN – Paris (FR)
24 janvier 2019 – Théâtre de St Quentin – St Quentin en Yvelines (FR)
4 & 5 mai 2019 – Gessnerallee – Zurich (CH)
28 mai 2019 – Théâtre Populaire Romand – Chaux de Fonds (CH)
1er octobre 2019 – LAC – Lugano (CH)
Saison 2018-2019 et 2019-2020 : ADC Genève (CH) ; Théâtre Les Halles, Sierre (CH)
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