FESTIVAL D’AVIGNON : UN ENTRETIEN AVEC OLIVIER PY
76e FESTIVAL D’AVIGNON. Un entretien avec Olivier Py – « MA JEUNESSE EXALTEE » – Du 8 au 14 juillet à 14h. – Relâche le 11 – Gymnase du Lycée Aubanel.
Olivier Py effectue sa dernière saison, son dernier « service » en tant que directeur artistique du Festival d’Avignon. Avant de passer le relai à Tiago Rodrigues, Olivier Py monte une superproduction autobiographique « Ma Jeunesse exaltée », un marathon de 10 heures où la figure populaire de l’Arlequin est convoquée, une épopée entre manifeste, célébration et pélerinage. Un dernier coup de chapeau au Théâtre et au Festival.
Célia Jaillet : Olivier Py, il s’agit là de votre dernière année à la tête et aux pieds du festival In d’Avignon : quels ont été vos miracles les plus réussis ? Avez-vous quelques regrets ?
Olivier Py : 3000 levés de rideaux, c’est 3000 miracles ! Le public d’Avignon est un autre miracle, unique au monde par sa fidélité, son engagement. Le voir rajeunir et se diversifier est un miracle mais c’est un miracle que nous avons obtenu à force d’un patient travail. Certains moments me restent dans le cœur comme un accomplissement , les détenus du Pontet jouant Macbeth, les spectateurs debouts après 16 h de Shakespeare, la Cour d’honneur vibrant d’émotion devant l’Antigone de Miyagi . Un regret immense, l’annulation de 2020, tant de spectacles qui n‘ont pas pu être reprogrammés.
Dans le documentaire “les Premiers adieux de Miss Knife” vous dites aimer les conditions particulières, inconfortables du cabaret, le public a la bouche pleine de mots, des tomates aux poches, des cris dans les murmures, c’est populaire, ça chante, ça danse, ça rit aux éclaboussures : pourquoi avoir choisi de produire votre diva à l’Opéra connu pour son austérité ?
L’opéra n’est pas austère, il est plutôt Kitsch, et assez intime il peut se transformer en cabaret . Miss Knife a joué partout dans des lieux très alternatifs et des lieux très prestigieux. Cette version avec orchestre est sans doute plus élaborée qu’un cabaret au piano, mais l’esprit est le même. L‘exceptionnel de la soirée tient surtout à la présence de Angélique Kidjo et des Dakh Daughters.
Dans l’édito de la nouvelle édition du festival vous faites une distinction entre le Peuple (à l’écoute de l’art) et la Foule (abrutie par le bruit). Les « raillements béats devant les spectacles vides » sont-ils cependant à condamner aussi lourdement que vous le faites ? Éliminer le stand-up, les séries télé, l’art dit consumériste, n’est-ce pas se priver d’une grande partie des créations et du public, pour conduire au final à une homogénéisation contraire au principe de l’art ?
Je ne cite ni les séries ni la stand up dans mon édito, deux formes pour lesquelles j’ai de l’admiration. Je me contente de rappeler qu’il n’y a pas de démocratie sans culture et sans éducation. cette culture savante ou populaire ne peut pas être confondue avec les divertissements décérébrés, tout le monde d’ailleurs fait la différence. Le Festival m’a appris que dans les prisons ou les quartiers on a aucun a priori esthétique, mais qu’on y a une exigence. L’exigence a mon sens honore le public et ne crée pas de l’exclusion. La subvention subventionne d’abord le public . Tant que des moins de 25 ans pourront aller voir un Shakespeare dans la Cour d’honneur ou une chorégraphie contemporaine pour 10 euros, nous n’avons pas besoin d’autres définitions du théâtre populaire.
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