FESTIVAL D’AVIGNON. « ET LA TERRE SE TRANSMET COMME UNE LANGUE » : QUE LA TERRE SOIT, ET LA TERRE FUT…
Posted by infernolaredaction on 15 juillet 2022 · Un commentaire
76e FESTIVAL D’AVIGNON. « Et la terre se transmet comme une langue » – que la terre soit, et la terre fut – De Franck Tortiller et Elias Sanbar – Le 14 juillet à la Cour Joseph Vernet.
Sous les platanes de la Cour Joseph Vernet dont les écorces tombées paraissent avoir été pelées en lamelles, au plus près d’un ciel préférant la fumée grise aux nuages pâles, environnés par ces flocons de neige brûlants que sont les cendres du bûcher déclaré à dix kilomètres de nos sièges, étouffés sous un dernier soleil, assiégés, occupés, fiévreux, la beauté ne nous épargne pas. Ils sont huit sur scène, parmi lesquels six musiciens savent encercler les mots de leur musique, suivant un autre métronome que celui des cigales à tête cendrée.
Ces mots, ce sont ceux de Mahmoud Darwich, poète palestinien maniant une langue qui claque dans les palais perdus, préférant perdre pour chercher qu’avoir déjà des dictionnaires dorés entre les mains, concentré sur le rythme et les sonorités, ce qui donne sens à la mise en musique de son recueil Et la terre se transmet comme la langue. Il est en effet connu dans son pays pour ses grands récitals qui offraient à ses admirateurs l’espace d’une communion poétique situé au-delà de l’obligation d’exister, d’avoir un nom, un billet d’entrée dématérialisé qu’on ne peut que conserver. « Aux ennemis nous enseignerons l’élevage des pigeons » : de ce poète, il vaut mieux être l’ami pour rester envolé parmi les oiseaux, à picorer une terre élevée sans l’avoir été.
Batterie, xylophone, trompettes et cor se marient à merveille avec les métaphores du poète qu’on imagine danser dans un ailleurs. Si notre imagination divague entre les mélodies et les visions, en intégrant nos cigales aux antilopes et aux tigres de cet autre pays (« la gazelle de l’éternité portée en os au tigre »), du maelström de musique et de mots émerge un refrain ritualisant l’ensemble. La musique varie sur des notes qui nous deviennent familières tandis que la chanteuse ou le comédien scandent, dans les interstices du son, ce vers : « ils sont rentrés. » Ainsi, entre chaque exploration nous reprenons notre souffle et le rendons, « notre voyage ne sera que commencement. »
Une découverte musicale et poétique qui suspend le temps, arrête la chaleur, emerveille nos sens, étire nos sourires, et se transmet comme une terre, une langue, une chose qui ne nous appartient qu’un moment et dont la seule vocation est de poursuivre son émiettement.
Célia Jaillet
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Merci pour ce très beau texte, comme on dit « vous avez tout compris ».
Ce fut pour moi aussi un moment magique, comme chaque fois que j’interprète Mahmoud Darwich…
Merci encore, cordialement,
La chanteuse