AVIGNON. « EX-POSE(S) » : DANSE AU(X) MUSE(E)S

EX-POSE(S) de Héla Fattoumi et Eric Lamoureux

AVIGNON 2022. « EX-P0SE(S) » – Héla Fattoumi et Eric Lamoureux – Collection Lambert – Salle aux arcades – Du 11 au 16 juillet 2022.

Belle initiative de la Collection Lambert que d’accueillir de la danse dans la salle recouverte des couleurs pop d’une œuvre monumentale de Sol LeWitt et notamment ce double duo, imaginé par le couple Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, directeurs du Centre Chorégraphique National de Belfort…

Le femmes sont à l’honneur et on ne comprend pas bien ce travail si on ne sait pas qu’il a été créé pour des musées et notamment le Musée Maurice Jardot de Belfort, ouvert au public en 1999 et qui fait découvrir des œuvres de Georges Braque, Marc Chagall, Juan Gris, Otto Guttfreund, Eugène de Kermadec, Élie Lascaux, Henri Laurens, Fernand Léger, Le Corbusier, André Masson, Pablo Picasso… autant d’artistes qui ont servi de base à ce travail subtil, mis aux pieds des spectateurs qui n’ont jamais été aussi près des interprètes…

Les deux danseuses entrent, l’une de face, l’autre de dos. Un bruit d’instrument à corde vient résonner dans cette salle aux arcades… Assez vite, les deux danseuses sortent du côté appliqué qu’aurait pu prendre un tel travail car leurs lignes sont à la fois belles et assurées, donc on sait que la danse aurait été lyrique et graphique – et elle le sera – mais, rapidement, les deux danseuses se transforment en Djinn, diablesses aux grimaces fortes et insolentes, sorte de Kokdu coréen qu’on crée là-bas pour célébrer les morts et qui prennent des poses drolatiques… Ou encore ces reproductions qu’on voit sur certains masques japonais : langue tirées, yeux révulsés… Les deux artistes ne reculent devant rien, font le geste du couteau sous le cou pour signifier qu’elles vont se défendre… Et malgré tous les attributs de la féminité, jusqu’aux longs cheveux noirs nattés, elles sont des femmes fortes et combattantes. Une sororité se dégage de cette danse, sorte de sœurs jumelles à qui il ne faut pas en conter…

Le duo laisse place à celui des hommes. Face à face, torses nus, l’un plus petit que l’autre, ils se toisent. Avec leurs jupes de centurions, si près que nous sommes, on sent que ces hommes ont livré mille batailles… Les gestes sont au ralenti, les corps à corps sous nos yeux n’en sont que plus forts et intenses… on souffre pour eux de ces prises et on voit que la danse est un art qui cache bien de loin les efforts immenses pour se porter l’un l’autre… Si ces guerriers modernes sont d’une virilité sans doute, la séance similaire à ceux vus dans des hammams, soin du corps de l’un par l’autre, permet d’espérer en la fraternité des Hommes…

Un moment matutinal qui rappelle combien l’art est aussi chorégraphique et la précision nécessaire aussi bien aux pieds qu’aux mains est utile pour nous faire accéder au plaisir de la danse. Un temps en suspens, face à mur de lignes de fuite… Un beau moment, un cadeau même.

Emmanuel Serafini

Photo Laurent Philippe/divergence-images

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