FESTIVAL D’AVIGNON. UN « MILK » ESTHETISANT (TROP) QUI SONNE CREUX
De retour au Festival d’Avignon, le metteur en scène palestinien Bashar Murkus offre une fois encore au public une performance engagée et politique. Dans ce monde chaotique, Bashar Murkus a travaillé deux ans autour de la tragédie de la mort et des femmes. Sans jamais axer sa proposition sur un territoire particulier, le metteur en scène veut son propos universel. Ici pas de point de vue sur un combat particulier que d’autres cultures que la sienne ne pourraient facilement comprendre sans une connaissance précise du contexte. Bashar Murkus offre une vision faite de chair et de sang, proche de toutes et tous.
C’est davantage au travers d’une performance que d’une pièce que Basahr Murkus peint sa tragédie. Pas de texte, une suite d’images fortes et répétitives et un indéniable sens de la tragédie, inéluctable. Mêlant inlassablement la violence de la perte d’un enfant aux flots de lait, qu’il soit nourricier ou sous forme de larmes, le metteur en scène oscille entre espoir et noirceur. Le contraste est saisissant. Les cinq comédiennes sont toutes des femmes se remémorant parfois le bonheur perdu, ces petits gestes d’amour qui ne sont qu’un souffle qui devient immense quand l’amour disparaît. Face à elles un comédien qui devient cet enfant perdu ou cet homme qui, plus tard, a perdu sa mère.
Tout ceci étant, il est évident que l’amoncellement des corps ou la répétition des scènes noyées dans des litres de lait, bien qu’offrant de magnifiques images, ne donnent pas forcément une véritable vie à ce spectacle. « Tout ça pour ça ! », tel pourrait être le titre de cette performance d’un style qui reste assez pompier car au bout de deux ans de travail et de multiples rencontres on ne peut que s’interroger sur la finalité du spectacle. De simples photos, esthétiques à souhait, auraient peut-être été suffisantes. Nul doute que le public sera sûrement conquis tant le propos et l’esthétique de l’ensemble sont taillés pour. Peu de place pour le questionnement dans cette proposition somme toute assez prémâchée.
Pierre Salles
Photo C. Raynaud de Lage / Festival d’Avignon