BIENNALE DE VENISE : PEDRO CABRITA REIS, « A REMOTE WHISPER » AU PALAZZO FALIER
Envoyé spécial à Venise.
BIENNALE DE VENISE 2013 : Pedro Cabrita Reis – a remote whisper / La Biennale di Venezia / Palazzo Falier, Venice http://www.pedrocabritareis-palazzofalier.org / Curatrice : Sabrina van der Ley / du 1er juin au 24 novembre 2013.
L’artiste portugais Pedro Cabrita Reis a investi un vieux palais vénitien à deux doigts de l’Académia, le Pallazzo Falier. Il y propose une installation monumentale et proliférante, qui occupe l’intégralité de l’étage « noble » du bâtiment, avec vue sur le Grand Canal…
« A remote whisper » court à travers toutes les pièces avec un dispositif de poutrelles d’acier, de cables et de néons blancs, qui essaiment sur les planchers, les murs et les plafonds. Il s’agit donc d’une construction précaire, rhizomique, dont l’étrangeté et le brutalisme très Arte povera se mâtine d’un minimalisme revisité… Une drôle d’installation donc, dont la force poétique n’est cependant pas absente. L’installation inclut également des dessins et photographies, des travaux plus anciens qui ont présidé à la préparation de la pièce du Palais Falier. Des matériaux d’archives glânés ici ou là, dont beaucoup proviennent de l’atelier.
Pedro Cabrita Reis montre-là sa cinquième intervention à la Biennale, qu’il fréquente assidument depuis quelques années. Habitué aux réalisations in situ, particulièrement à La Biennale, l’artiste portugais installe ses dispositifs étranges et poétiques un peu partout dans le monde. L’oeuvre du Palazzo Falier est donc dans le droit fil de son travail habituel, brut de décoffrage, mais jamais exempt d’une beauté froide et féconde en connections sémantiques. On l’a dit, une poésie minimale et rigoureuse, dont les ramifications sensibles ne cessent de bourgeonner, au-delà du concept.
Perception et construction mentale sont d’ailleurs au coeur du travail de Pedro Cabrita Reis. Ses oeuvres polysémiques, malgré leur apparente simplicité, développent de fécondes interactions et troublent l’ordre raisonné des choses, bouleversent l’inertie de la pensée et font vaciller la perception univoque du monde.
Depuis les années 90, Cabrita Reis tourne autour de ces notions de territoire, de site, construit ou pas, de chantier et de construction / déconstruction. Ainsi prend-il très souvent possession de ces matériaux d’usage dans les chantiers du bâtiment, utilisant ces éléments bruts et typiques d’un univers esthétique : acier, néons, câbles électriques, gaines, etc.
L’apparent désordre de ses constructions, que l’on croirait issues d’un chantier de démolition, résonne curieusement comme une métaphore sensible du chaos généralisé d’un monde immobile et figé, qui, contrairement à ce que l’on penserait un peu trop rapidement, brille surtout et de plus en plus par son absence.
Marc Roudier
Photos Joao Ferrand, PCR Studio / Copyright Pedro Cabrita Reis 2013.