ENTRETIEN : PIERRE RIGAL, « MÊME », MONTPELLIER DANSE 2016

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ENTRETIEN : Pierre Rigal, « Même » au festival Montpellier Danse, Juillet 2016.

Pierre Rigal se joue des frontières. Frontières artistiques, corporelles, dogmatiques… Dans Bataille ou encore Asphalt, il défonce les portes fermées avec finesse et intelligence. Pour défoncer finement, il réussit à la fois à proposer des images simples et des raisonnements complexes sur le monde d’aujourd’hui, en abordant de front des thématiques aussi sensibles que la masculinité, la violence, l’identité nationale… Là où on ne l’attendait pas, il se présente et crée en ce moment à l’Agora, cité internationale de la Danse une comédie musicale : Même, pour le prochain festival de Montpellier Danse. A suivre.

Inferno : Jacques Demy disait qu’il faisait des films enchanté. L’image qu’on a des comédies musicales est une représentation du monde toute en légèreté. Est-ce qu’avec Même, vous voulez nous montrer que le monde est enchanté ?
Pierre Rigal : Je ne sais pas si les comédies musicales décrivent un monde enchanté, autrement qu’au sens littéral du terme, « en chanté ». Je ne suis pas sûr que le format de la comédie musicale doive parler d’un monde enchanté, gai. Ça peut être les deux : gai, triste, enchanté, tragique… L’idéal, c’est qu’il y ait tous ces contrastes-la. Le monde n’est pas que tragique ou gai, il est complexe. Dans l’idéal le spectacle doit représenter le monde dans ses contrastes. Le ton peut être grave, bizarre, étrange et voire angoissant. J’espère qu’il y aura tout ça dans cette pièce.

Entre un spectacle de Hip-Hop, avec des danseurs de l’Opéra ou des propositions très contemporaines, est ce qu’il y a une patte Rigal ?
Je pense. Mon travail, c’est de travailler avec des gens différents les uns des autres et des gens différents de moi. Ces horizons différents (le hip-hop, la danse contemporaine, la musique…) je les travaille avec des gens qui ont un profil polyvalent où chacun a sa spécialité mais chacun devra aussi aller en dehors. A la fois investir sa spécialité et s’investir dans un champ qu’il connaît moins. J’aime travailler avec cette diversité mais je pense qu’au final dans chacune de mes pièces, il y des points communs, une couleur, un ton qui se dessine.

Il y a donc aussi une pâte Rigal, une façon de malaxer les artistes pour qu’ils se sentent à l’aise ?
Je peux les placer dans des situations de fragilité. Pour faire ça, il faut leur faire confiance et les mettre dans un état de travail et de bienveillance très grand. Il faut que tout le monde soit de bonne humeur pour qu’on puisse tenter des choses. Un non-spécialiste peut trouver des idées qui peuvent être excellentes là où un spécialiste empêtré dans ses propres réflexes et ses accoutumances n’aurait pas pu trouver. C’est une question d’équilibre.

Qu’est ce que vous avez à dire au spectateur ?
Il ne faut pas vouloir dire quelque chose au spectateur. Si je voulais lui dire quelque chose, je n’utiliserais pas le format du spectacle vivant. Si on a quelque chose à dire au spectateur, il faut l’écrire dans un journal. Quand on fait un spectacle de danse, on ne va pas dire quelque chose mais créer des correspondances émotionnelles et visuelles, créer des intimités. Après, on peut toujours avoir à l’esprit que ce moment passé puisse marquer le spectateur mais ce sera inexplicable et c’est mieux.

Vous pouvez créer dans de bonnes conditions ?
On est à l’Agora de la danse et ce sont les meilleures conditions du monde, sans exagérations. Puis nous irons à Toulouse. Et surtout, en dehors de ces conditions d’espace, on travaille avec une douzaine de personnes dans dès coopérations et des écritures collectives avec suffisamment de bienveillance pour se sentir le plus possible en liberté, pour proposer des choses. Si on arrive à maintenir cet état jusqu’à la fin, on aura travaillé dans de bonnes conditions.

Est-ce qu’il y a des choses qui vous inquiètent, qui vous font peur, au stade ou vous en êtes de votre création ?
Oui, il y a beaucoup de choses qui m’inquiètent ! C’est difficile de construire un spectacle. Ici, c’est un puzzle immense et il faut créer des contaminations entre la danse, le théâtre, la musique, le chant… Comment parler lorsqu’on danse, jouer la comédie quand on est musicien ? C’est d’abord une matière. Il faut trouver la matière. C’est une partie assez simple car tout le monde propose mais la grande difficulté repose dans le montage de ce puzzle.

Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour le futur spectacle ?
Qu’on puisse prendre du plaisir, jouer cette pièce et la jouer le plus possible.

propos recueillis par Bruno Paternot

« Même », Création pour le Festival Montpellier Danse les 6, 7 et 8 juillet 2016, Une comédie musicale expérimentale de Pierre Rigal, sur une musique originale de MicroRéalité.

« « Même », la pièce qui voit chaque élément se reproduire au moins une fois…Au mieux. En écho au complexe d’Œdipe, la pièce « Même » met en évidence la volatilité de l’évidence elle-même, et met en doute les identités de chacun. Les acteurs, chanteurs, danseurs, musiciens de Même, s’amusent à créer des boucles répétitives et expérimentales comme des sortes de névroses ubuesques. Mais comme l’identité reste une utopie, comme le même ne se laisse pas facilement reproduire, ces phrases, ces musiques, et ces gestes se répliquent avec une maladroite ou malicieuse inexactitude, créant ainsi une chaine d’information tragi-comique. Et c’est ainsi que les points de départ peuvent dériver peu à peu vers des points d’arrivée que l’on ne pouvait imaginer. A force de duplications erronées, le même peut se transformer en son contraire…ou en lui-même. »

LIRE AUSSI : Asphalt (https://inferno-magazine.com/2013/10/15/standarts-au-theatre-de-nimes-pierre-rigal-stravinskip-hop/)

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