BUREN PLANTE SON DRAPEAU SUR LE TERRITOIRE DE KOUNELLIS A ROME
Rome, correspondance.
Buren plante son drapeau sur le territoire de Kounellis à Rome
Une exposition qui défie la monumentalité du Palatin, c’est la collective voulue cette année par la Présidente du RomaEuropa Festival Monique Veauté et qui rassemble jusqu’au 14 septembre au milieu des ruines romaines les œuvres de 36 artistes collectionnés par la fondation Nomas basée au nord de Rome dans le quartier décentré qu’on surnomme «africain» (ses rues étant dédiées aux pays d’Afrique). Le dialogue entre antique et contemporain recherché par la curatrice Raffaella Frascarelli (épouse Sciaretta) n’est pas à la portée de toutes les installations, la grandeur de la Rome Impériale est écrasante et le titre de l’exposition «Par tibi Roma nihil» (qui reprend la célèbre exclamation en latin de l’Evèque de Tours au XII° siècle) souligne le poids de l’Histoire.
La curatrice, qui est la fondatrice de Nomas mais aussi archéologue de formation, nous guide à travers les arcades et les terrasses du Palatin restées longtemps fermées au public ; le site rouvre pour l’occasion. L’œuvre de chacun des artistes est longuement présentée mais toutes les œuvres ne font pas le poids à l’exception de l’arc-en-ciel de drapeaux de Daniel Buren (un dégradé de huit tonalités de bleu, rouge et jaune) hissés au sommet de la terrasse du Complexe Sévérien qui donne sur le Circus Maximus.
Seule œuvre visible de loin, l’installation de Buren s’intègre parfaitement dans la perspective du siège de la FAO. Les quarante drapeaux de Buren viennent ainsi s’ajouter triomphalement au skyline d’un quartier diplomatique qui ne comptait jusqu’ici que le drapeau bleu ciel de l’ONU, le drapeau tricolore italien et celui des Chevaliers de la Croix de Malte qui domine l’Aventin. Un privilège et une visibilité que Buren n’a peut-être même pas dû négocier puisque Raffaella Frascarelli m’assure qu’elle seule a décidé de la disposition des œuvres. L’artiste n’était hélas pas à Rome à l’inauguration pour s’expliquer, mais se faire une spécialité dans l’art site specific (condition sine qua non de Buren) à Rome c’est un impact international garanti.
Deux autres artistes du réseau de la Galleria Continua ont eu droit au joker site specific et ont pu jouer directement avec l’Histoire: Kader Attia avec une Vénus décapitée trouvée sur le site du Palatin qu’il a coiffée d’une brique en ciment et Sislej Xhafa avec sa longue sculpture en bronze de calques de mains de réfugiés empilées placée sous l’arc de Constantin au pied du Colisée.
Le travail de David Horvitz au Palatin manque du piquant récemment offert à Frieze: deux iPhone 3 (vintage) repassent en boucle l’aube et le coucher de soleil synchronisés à des endroits opposés de la planète. On retrouve Pascale Marthine Tayou avec une installation assez othodoxe qui mixe symboles et accessoires religieux de tous bords. Sans grand effet la Joconde filmée au Louvre par Elisabetta Benassi et projetée sur un vieux téléviseur niché dans des chapiteaux romains.
Parmi les artistes les plus jeunes de la sélection, dans un coin du Stade Palatin, le vestiaire de Gabriele De Santis a le mérite de raviver l’exposition avec le nom des grands artistes italiens sur les maillots de l’A.S. Roma: de Modigliani le plus vieux à Manzoni et Fontana, Pascali et De Dominicis, Penone et Merz. Au milieu, le numéro dix, célèbre pour être celui du «Capitano», l’icône de l’équipe de Rome, Totti, porte le nom de Alighiero Boetti, parmi les mieux vendus aux enchères.Totti a téléphoné à Gabriele et lui a promis de passer voir l’exposition.
Interviewé sur son procédé, Gabriele admet avoir choisi les artistes arbitrairement sans trop réfléchir, ce qui donne à son travail un côté dilettante et tant pis pour la crédibilité scientifique. Tant pis si deux artistes se partagent le numéro neuf, le grand Alberto Burri et (idéalement sa remplaçante?) Elisabetta Benassi «parce qu’elle tenait absolument au numéro neuf», affirme Gabriele. Gabriele imagine bien sûr faire partie de cette grande équipe d’artistes, il a aussi ajouté le nom de celui de son ami Monk avec qui il présentera un travail au Pompidou le 27 Septembre.
Mais si c’était l’Histoire à guider cette exposition, Kounellis, qui fait partie lui aussi de la collection Nomas et dont l’installation gît à quelques mètres du vestiaire de Gabriele, aurait mérité au moins un maillot d’attaquant.
Raja El Fani
Photos Raja El Fani