« LE CERCLE » DE NACERA BELAZA : L’ELOQUENCE DES CORPS
Lausanne, correspondance.
« Le cercle » de Nacera Belaza – Théâtre de Vidy, Lausanne – du 15 au 17 novembre 2018.
Dans l’ombre ténébreuse, quelques halos diffus. La première présence à se révéler est un rythme assourdi, nimbé d’un chant mélancolique. Emergeant des ténèbres, trois clartés surgissent. Imperceptiblement s’approchant, une silhouette s’ébauche. Remuante et pourtant immobile. Longuement. Puissamment. Se fondant dans sa nuit, deux autres la rejoignent. Pivots enracinés surmontés de fureur déchaînée, ils se déplacent pourtant. La nuit, ponctuellement, noie ces formes floues puis les laisse renaître. Elles sont cinq à présent, chimériques et démentes, poursuivies par l’impitoyable tempo. Des illusions de visages évoquent de monstrueux Bacon. Nina, au loin, fredonne sa mélopée flottante au-dessus du fracas régulier des darboukas. Le temps et l’espace dissous, comme les corps…
Brusquement une surface lumineuse déclenche l’affolement d’étranges créatures. Exacerbés par la lumière, tels de fragiles hétérocères, leur danse éperdue démultiplie leurs membres. Enfiévrés, déformés, sublimes et fascinants. Vite éclipsés par le retour de l’obscurité.
Un instant, une impulsion les rassemble. Soubresauts, tremblements. Une cohésion de secousses, un équilibre chancelant. Et toujours ce battement, passant du paroxysme au murmure tamisé. Obscurité. Disparition. Silence.
Les mots sont impuissants face à l’éloquence des corps.
Martine Fehlbaum