FESTIVAL D’AVIGNON : « VIVE LE SUJET ! « , UNE BIEN BELLE SERIE 1
75e FESTIVAL D’AVIGNON : DE l’UNE A L’HÔTE – Violaine Schwartz / NOS CŒURS EN TERRE – David Wahl – Vive le Sujet ! Série 1 – les 7, 8, 9, 11, 12, 13/07 au Jardin de la vierge du Lycée St Joseph
Il y a bien ce bouillon de onze heure mais qu’on donne au couché et qui occis et il y a celui du Jardin de la vierge qu’on prend au levé et qui revigore dans cette quasi-fraicheur matinale, surtout un lendemain de déluge à Avignon… La SACD et le Festival nous offrent cette année encore une toute nouvelle livraison de duos baroques, de moments de poésie sans nul autre pareil…
LA DISPARITION DE L’HOSPITALITE
Comme les grandes marques de voitures, la série 1 de cette édition 2021 qui fête « le sujet » à Avignon, débute par « De l’une à l’hôte », une variation très fine de la comédienne et autrice Violaine Schwartz, accompagnée de Victoria Belén, circacienne venant d’argentine, à la souplesse déconcertante… Les deux artistes nous mènent tout droit vers le pied de la lettre… à savoir : le sujet et sa nature, ce qui le fait vivre en 2021… Assise sur une simple chaise, Violaine Schwartz, enlacée par Victoria Belén, au point de douter de quel pied et de quelle main elles sont faites chacune, commence son exposé : d’où vient le mot vive… du latin « vivere »… qui a donné hospitalité… tout ceci est dit sans ostentation, avec malice ce qui rend la leçon délectable… Parti du sujet, on en arrive à « qui accueille qui ? » et à Derrida avec son « hostipitalité », notion qui nous fait repasser par cette chaise « cathedra »… c’est grisant… Entre, on assiste à ce questionnaire qui exclut les étrangers parce qu’ils ne savent pas répondre à des questions si simples du genre : « les poules auront des dents », en auront-elles un jour ou jamais… On rit de honte… Les deux femmes finissent par partager, offrir, donner… bref, faire preuve d’humanité… On les croit et on devrait suivre leur exemple.
DIEU QUE C’EST BEAU LES CAILLOUX !
« Nos cœurs en terre » rassemble ensuite l’auteur David Wahl et le peintre-sculpteur Olivier de Sagazan qui eux parlent de la ville de Castres, la patrie de Jean Jaurès – on l’avait oublié ! – mais surtout celle du chercheur – tout aussi oublié ! – Pierre Borel… Tout aussi oublié, mais à tort car le penseur avait quelques idées qu’on retrouve sur nos pas, à savoir que dès 1657, il affirmait la pluralité du monde ! Il inventa même une caravelle volante pour visiter les extraterrestres, dont il était persuadé qu’ils existaient… La théorie exposée par David Wahl est que, sans nier que nous descendons peut-être de singes ou de poissons, notre ancêtre serait la roche elle-même… la terre. L’argile serait notre mère nourricière… Dans cet exposé le plus remarquable, le plus émouvant, le plus fascinant est la performance de Olivier de Sagazan qui recouvre tout ce qui bouge et parle – en l’occurrence David Whal et lui-même – d’argile, de boue, de terre, de fleurs, d’herbes, de pétales et est-ce la proximité de Maguy Marin de retour au Festival d’Avignon, on pense à ses personnages beckettiens de May Be… Ces émouvantes statues vivantes du Jardin de la vierge, inspirées sans doute du Congo natal d’Olivier de Sagazan…
On finit donc en apothéose cette immersion de onze heure et le lien entre les deux propositions – faites pourtant séparément – apparaît… L’humanité, l’hospitalité, la croyance dans un autre, dans l’autre, dans les autres… Se partager un bout de chaise, se mettre en lien avec les éléments, voici la leçon de cette bien belle série 1.
Emmanuel Serafini
Image : De l’une à l’hôte, Violaine Schwartz, 2021 © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon