L’UNESCO TENTEE D’APPROUVER LA RECONSTRUCTION EN 3D DE PALMYRE ?

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TRIBUNE : L’Unesco tentée d’approuver la reconstruction 3D de Palmyre? par Raja El Fani.

Un coup de maître la libération de Palmyre par l’armée du président syrien Bachar Al-Assad avec l’aide des raids russes, aucune destruction ultérieure durant l’opération. La Cité de la reine Zénobie était devenue l’icône des destructions culturelles menées stratégiquement par Daech, c’est dire l’impact médiatique de sa libération annoncée le 27 Mars, un dimanche de Pâques.

Depuis, on spécule sur la reconstruction et les sociétés spécialisées frémissent, prêtes à intervenir, alors que Palmyre est encore en cours de déminage.

L’institut IDA, une joint-venture entre Harvard, Oxford et le Musée du Futur de Dubaï, ne cache pas son impatience et a déjà fièrement exhibé sa reproduction 3D de l’Arc de Triomphe (aujourd’hui détruit) du Temple de Bêl à Trafalgar Square à Londres avant de partir pour une tournée internationale récolter du consensus.

Le 26 Avril, l’Unesco a effectué un état des lieux à Palmyre et a décrété que le site archéologique n’a rien perdu de son authenticité malgré les destructions terroristes.

De son côté, l’excellent Maamoun Abdoulkerim, Directeur Général des Antiquités et des Musées syrien avait clairement déclaré à la presse que les dégâts n’étaient pas aussi catastrophiques que la propagande de Daech faisait craindre. Les pillages sont tout aussi significatifs que les destructions mais impliquent un autre programme, l’investigation policière, qui soulève forcément beaucoup moins l’intérêt de l’opinion que la reconstruction.

Une vidéo du site (vu de drone) a montré l’agora et l’amphithéâtre romain de Palmyre intacts, l’intérieur du musée est en revanche ravagé. Après les expertises, les autorités syriennes devront attendre le rapport de la conférence de Berlin sur la préservation du patrimoine syrien le 2 et 3 Juin, pour procéder aux travaux d’une durée estimée à cinq ans.

Au-delà des intérêts affairistes, la reconstruction est une priorité culturelle majeure dès lors qu’on menace d’effacer l’Histoire et l’identité d’un pays. Des équipes internationales de professionnels étaient déjà mobilisées et mises en place en Irak et en Syrie avant les destructions et s’attelaient à archiver et scanner les objets archéologiques de manière préventive.

La tendance est donc aux reconstructions 3D, une technologie qui peut duper sur la différence entre copies et originaux. C’est le débat soulevé par le professeur et archéologue Amr Al-Azm interviewé en Mars sur le quotidien italien La Repubblica: les éléments perdus de Palmyre, s’ils seront reconstruits en 3D et intégrés aux éléments authentiques, devront être clairement indiqués comme copies.

Les experts craignent à juste titre les amalgames et se méfient de la restauration de Palmyre. La directrice de l’Unesco Irina Bokova s’est réjouie de la libération de Palmyre mais il ne faudrait pas omettre que les destructions sont un fait irréversible qui implique que le musée de Palmyre a essuyé une perte importante au niveau scientifique. Théoriquement, l’Unesco devrait redimensionner la fonction du musée conformément aux pertes subies et selon le type de réhabilitation. Quoiqu’on fasse, le nouveau musée de Palmyre ne sera pas le même qu’avant 2015.

Un musée est une institution fondée sur des biens et des valeurs tangibles, pas uniquement sur du symbole. La reconstruction la plus avancée ne doit pas servir à remplacer les trésors perdus mais tout au plus à en reproduire l’aspect pour des fins didactiques. N’oublions pas que la reconstruction est une requalification pas une résurrection.

Raja El Fani

image : Robot reproduisant l’Arc de Triomphe du Temple de Bêl en marbre de Carrare à partir du database de photos de l’IDA

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